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L'économie post-keynésienne (EPK) découle du travail d’économistes tels que John Maynard Keynes (1883-1946), Michal Kalecki (1899-1970), Roy Harrod (1900-1978), Joan Robinson (1903-1983), Nicholas Kaldor (1908-1986), et bien d'autres. Elle est définie par l’affirmation selon laquelle le principe de la demande effective, tel que développé par J.M. Keynes dans la Théorie Générale (1936) et par M. Kalecki dans des travaux antérieurs (1933), est valide aussi bien à court terme qu'à long terme. Cela signifie que l'activité économique, dans une économie monétaire capitaliste, est menée par la demande et qu'il n'existe pas de mécanisme établi qui garantisse le plein emploi et la pleine utilisation des capacités de production.
Les post-keynésiens rejettent unanimement les différentes versions de l'économie néoclassique qu’ils considèrent comme inappropriées pour l'analyse d'une économie monétaire capitaliste. Ils s'efforcent de construire une théorie économique alternative plus indiquées pour analyser les économies capitalistes modernes et leurs caractéristiques inhérentes telles que le chômage, les crises (financières), les cycles économiques, les dépressions, le changement technologique et les inégalités de développement. D’après eux, l’économie est structurée par des institutions telles que les entreprises, les syndicats, les contrats de travail et de crédit, la réglementation gouvernementale, etc. Ces institutions déterminent dans une large mesure le comportement économique, c'est pourquoi l’EPK accorde une certaine priorité aux analyses macro- et mésoéconomiques.
Au niveau microéconomique, l’EPK souligne que le futur est fondamentalement incertain. Il s'ensuit que les individus ne sont pas des agents maximisateurs, et qu’ils ne sont ni omniscients ni omnipotents, contrairement à ce que prétend le courant dominant. Ils prennent plutôt des décisions basées sur des règles de comportement (« rules of thumb » en anglais) qui leur permettent de mieux faire face à des informations incomplètes et complexes. Ces règles de comportement sont également très influencées par les conventions et les normes sociales, ce qui peut mener à la stabilité (p. ex. les contrats salariaux nominaux qui stabilisent le niveau des prix), aussi bien qu'à l'instabilité (par exemple en raison des comportements grégaires sur les marchés financiers). L'incertitude fondamentale façonne également le comportement des entreprises qui opèrent sur des marchés imparfaitement concurrentiels, ce qui en fait des faiseuses de prix (« price maker » en anglais) et des preneuses de quantité.
L’EPK étudie un large éventail de domaines économiques, traitant tout autant de la macroéconomie à court terme (chômage, production économique et inflation) que de la macroéconomie à long terme (croissance et répartition) ou que de l’économie monétaire, de la finance et du système monétaire international. L’EPK s’intéresse également à des questions microéconomiques, se rapportant par exemple à la théorie de l'entreprise, la théorie de la consommation, la théorie des taux de change, la financiarisation et bien d'autres choses encore. De ce fait, l’EPK fournit un riche ensemble de propositions politiques qui diffèrent souvent considérablement des recettes habituelles proposées par les économistes de l’école dominante. Deux exemples sont l'accent mis sur la politique budgétaire en tant qu’outil principal de lutte contre les récessions économiques à court terme et le point de vue selon lequel les banques centrales devraient maintenir des taux d'intérêt bas et réglementer le système bancaire au lieu de se concentrer de façon étroite sur la lutte contre l'inflation. Un autre cas d'espèce serait l'approbation des institutions du marché du travail qui encouragent la négociation collective des salaires et établissent un salaire nominal que personne ne peut diminuer. Cela oblige les entreprises à être compétitives sur le plan de la qualité et de la productivité sans provoquer la déflation en abaissant les salaires.
Bien que leur nom soit très similaire, le post-keynésianisme est très différent de l'ancien keynésianisme ainsi que de la nouvelle économie keynésienne. Les post-keynésiens considèrent que la nouvelle économie keynésienne repose essentiellement sur la théorie néoclassique, à laquelle diverses imperfections (des marchés, de la concurrence, de l’information…) sont superposées, lesquelles n'améliorent que marginalement l’analyse du monde réel. Néanmoins, le keynésianisme moderne est habituellement présenté aux étudiants sous la forme de la nouvelle économie keynésienne et non sous celle de l'économie post-keynésienne.
L’EPK cherche à analyser les économies capitalistes, qui se caractérisent par certains traits distinctifs. Les économies capitalistes sont des économies monétaires de production dans lesquelles de la monnaie, par l’intermédiaire du crédit, est avancée par les banques ou d'autres institutions financières à des entreprises pour qu'elles investissent dans du capital physique et paient les travailleurs pour produire des biens et des services. Ceux-ci sont vendus dans le but d'obtenir un profit afin de rembourser la dette et les intérêts qui ont été contractés pour financer l'investissement. Ce circuit monétaire établit non seulement un flux circulaire de revenus entre les principaux secteurs de l'économie, mais aussi relie entre elles les unités économiques telles que les ménages, les entreprises et les gouvernements par le biais de leurs structures d’actifs et de passifs. La macroéconomie capitaliste forme ainsi un système qu'il faut analyser de manière systémique - ce qui se produit dans un secteur de l'économie a aussi des effets sur d'autres secteurs.
Les post-keynésiens conçoivent les économies capitalistes comme étant très productives, mais instables et conflictuelles. L'activité économique est déterminée par la demande effective, qui est généralement insuffisante pour générer le plein emploi et la pleine utilisation des capacités. Les fluctuations de la demande effective sont principalement dues à des changements dans les dépenses d'investissement, notamment l’investissement résidentiel, qui sont à leur tour fortement influencées par les anticipations des agents. Les anticipations des agents économiques sont influencées par les conventions sociales et les diverses règles de comportement en raison de l'incertitude fondamentale au sujet de l'avenir. En période d'anticipations majoritairement optimistes, la demande d'investissement peut être soutenue et enclencher alors une phase de forte croissance du crédit, d'accumulation de capital et de génération de revenus.
De nouveaux crédits sont créés pour financer les dépenses d'investissement. Ensuite, la production économique et l'emploi sont déterminés sur le marché des biens en fonction du niveau de la demande d'investissement. L'argent dépensé pour l'investissement apparaît comme un revenu dans les comptes de dépôt d'autres entrepreneurs ou des ménages. Un mécanisme de crédit-investissement-revenu est par conséquent établi et la demande d'investissement crée une épargne correspondante. Le revenu généré par la production de nouveaux biens d'investissement stimule la demande de consommation. Si tout fonctionne bien, les anticipations des agents sont validées lorsque les obligations de paiement sont réalisées, et alors l'économie prospère. L’EPK suppose donc qu'il existe un équilibre économique potentiel qui est déterminé par des facteurs monétaires et réels. Toutefois, des changements soudains dans les anticipations peuvent faire sortir l'économie de l'équilibre.
Des phases de forte croissance dues à des anticipations optimistes peuvent alors être suivies de ralentissements drastiques, qui sont souvent induits par des anticipations pessimistes, des conflits de distribution ou de la fragilité financière. Ceci déprime l'investissement et les dépenses de consommation, invalide les anticipations de revenu et induit une période de défauts de paiement sur les dettes, et ultimement de crise économique. Ces phases d'expansion et de récession sont considérées comme des caractéristiques systémiques des économies monétaires de production qui ne peuvent être atténuées que par des institutions et des politiques économiques qui aident à soutenir les anticipations et l'activité économique et, par conséquent, réduisent l'incertitude au sujet de l’avenir.
D’après l’EPK, l'emploi n'est pas déterminé par le marché du travail, mais plutôt par la demande de main-d'œuvre, elle-même déterminée par la demande globale sur le marché des biens et non pas par le taux de salaire réel. Toutefois, le marché du travail détermine les salaires nominaux et donc l'unité nominale des coûts de la main-d'œuvre. Ceci a une forte influence sur le niveau général des prix et par conséquent sur l'inflation, ainsi que sur la répartition des revenus. A la différence de l'économie orthodoxe, en EPK le niveau des prix n'est pas déterminé par le niveau de l'offre de monnaie, et le taux d'inflation n’est pas non plus déterminé par le taux de croissance de l’offre de monnaie. Par conséquent, les post-keynésiens ne considèrent pas l'inflation comme un phénomène monétaire. Au lieu de cela, l'inflation est considérée comme le résultat d'un conflit distributif non résolu. Ce conflit est causé par des revendications conflictuelles sur la répartition des revenus entre les principales classes sociales, les salariés de différents secteurs ou industries, les entrepreneurs et les rentiers (c'est à dire les personnes qui tirent des revenus du capital d'actifs immobiliers ou financiers), et le reste du monde dans une économie ouverte. Par exemple, si l'objectif de salaire réel des travailleurs ou des syndicats est en conflit avec l'objectif de profit des entreprises, l'augmentation des salaires nominaux sera répercutée sur celle des prix, ce qui conduira à l'inflation si les entreprises disposent d'un pouvoir de fixation des prix. Alors que l'inflation est donc un résultat habituel du processus de négociation salariale, même en temps "normal", elle peut être accélérée par des augmentations soudaines du coût des intrants, par exemple à cause de dépréciations monétaires ou des chocs sur les prix des produits de base.
La recherche du profit fait du capitalisme un système dynamique qui croît généralement en raison de l'investissement et des changements techniques. Toutefois, la dynamique de croissance est considérée comme étant fortement influencée par la performance économique à court terme, qui est principalement déterminée par la demande globale. L'économie se développe dans le temps historique, ce qui signifie que le passé a un effet persistant sur l'avenir par le biais de la dépendance au sentier. Des chocs temporaires défavorables peuvent donc réduire la production potentielle de façon permanente, tout comme un taux de chômage élevé peut faire grimper le taux de chômage à inflation stable (le NAIRU en anglais). Il est aussi possible que le taux de croissance réalisé de la production influence le taux de croissance naturel. Les effets de court terme, par conséquent, influencent fortement le développement économique à long terme.
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Bien que l’EPK, comme la plupart des autres disciplines scientifiques, n'offre pas une ontologie philosophique élaborée, ses théories impliquent des présupposés sur l'existence et la nature de certaines entités qui constituent la réalité économique. Au niveau le plus abstrait, l’EPK présuppose que les économies capitalistes sont composées de certaines structures sociales qui existent indépendamment de l'observation scientifique (en philosophie des sciences, ce point de vue s'appelle le ''réalisme'). Plus concrètement, les structures sociales importantes sont les classes sociales (par exemple, les travailleurs, les capitalistes, les rentiers), qui déterminent dans une large mesure le comportement économique des agents économiques ; les institutions sociales (par exemple, les valeurs, l'argent, les normes de consommation, les réglementations du marché du travail) ; et les organisations sociales (par exemple les entreprises, les banques centrales, les gouvernements). Ces structures sociales forment la nature de l'économie capitaliste monétaire de production qui est le sujet de l'analyse économique post-keynésienne. Toutefois, même si les post-keynésiens pensent que les économies capitalistes présentent certaines régularités qui sont générées par des mécanismes causaux qui peuvent être compris par les théories économiques, ils conçoivent l'économie comme un système dynamique qui est soumis à un changement permanent dans le temps historique. Par conséquent, les régularités empiriques peuvent aussi changer, de sorte que les théories économiques ne peuvent pas être considérées comme des lois universelles.
Bien que les post-keynésiens s'entendent certainement pour dire que les structures sociales reposent en fin de compte sur l'action humaine, ils rejettent l'idée que les structures sociales ou les phénomènes macroéconomiques peuvent se réduire au comportement des individus. Au contraire, les individus agissent toujours au sein d’un certain contexte institutionnel qui façonne leurs croyances et leurs actions, et qui relie différentes classes d'agents ou types d'unités économiques les uns avec les autres. Les structures sociales et les phénomènes macroéconomiques peuvent exercer des pouvoirs causaux qui affectent le comportement humain, qui à son tour détermine les macro-phénomènes. Ces derniers et les institutions peuvent aussi présenter des propriétés émergentes qui ne peuvent pas être entièrement expliquées par l’agrégation des actions individuelles. L’EPK a ainsi des présupposés ontologiques plus déterministes que le modèle néoclassique de choix rationnel, qui adhère à un fort individualisme ontologique selon lequel le monde social n'est en fin de compte composé que d'individus et d'agrégats d'individus, l'action individuelle étant la seule chose à pouvoir exercer un pouvoir causal.
Une analogie très simple aux propriétés macro peut être donnée par la situation suivante : si tout le monde dans un cinéma se lève, personne n'améliore sa vision du film, mais si une seule personne se levait, cela améliorerait sa vision du film. Cette façon de penser a conduit à la découverte de plusieurs paradoxes macroéconomiques. Le terme paradoxe dans ce contexte signifie que ce qui peut sembler raisonnable pour une seule personne, entreprise ou état peut entraîner des comportements et des résultats collectifs non intentionnels, défavorables ou même irrationnels lorsque tous les individus, entreprises ou états agissent de la même manière. Il est donc important d'étudier les macro-phénomènes et leurs propriétés en tant que tels, et d'examiner comment, à leur tour ils affectent le comportement individuel. Cette approche a été qualifiée de "holisme". Tous ces paradoxes macroéconomiques sont, par exemple, d'importants éléments constitutifs d'une explication approfondie de la récente crise financière. Les plus importants de ces paradoxes sont résumés dans le tableau suivant.
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De quoi s’agit-il ? |
Mécanisme |
Paradoxe de l'épargne |
Des taux d'épargne plus élevés con- |
Quand les gens épargnent, ils dépensent moins, donc les entre- |
Paradoxe de la dette |
Les efforts visant à réduire le ratio |
Quand tout le monde économise davantage à partir de ses
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Paradoxe de la tranquillité |
La stabilité est déstabilisante
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Une économie stable rend les gens plus optimistes, ce qui |
Source: basé sur Lavoie 2014, p. 18.
Encore une fois, il faut d'abord noter que l'EPK ne fournit pas une épistémologie cohérente. Les post-keynésiens ont probablement des points de vue très différents sur la vérité, la connaissance et la mesure dans laquelle nous pouvons connaître la réalité économique. Cependant, il y a certaines hypothèses implicites sur la relation entre réalité et connaissance scientifique qui sont typiques de l'EPK.
Premièrement, les post-keynésiens partagent l'opinion selon laquelle il appartient à la science empirique de recueillir et systématiser des énoncés sur le monde qui devraient refléter la réalité de manière aussi adéquate que possible. Bien que les modèles économiques soient toujours une représentation très simplifiée des mécanismes réels de causalité, ils devraient idéalement saisir les aspects clés de la réalité tels qu’ils existent. Les modèles qui réussissent à décrire et à expliquer des phénomènes empiriques et dont les hypothèses ne contredisent pas les observations de base sur les événements de l’économie réelle ne peuvent pas être considérés comme strictement vrais, mais certainement davantage que les modèles qui n’expliquent pas correctement les mécanismes réels de causalité ou qui sont basés sur des hypothèses qui ne reflètent pas adéquatement notre expérience de l'activité et des événements économiques quotidiens.
Deuxièmement, l’EPK semble présupposer qu'il faut à la fois un raisonnement logique et de l'observation empirique pour construire de bonnes théories économiques. Plutôt que de suivre une pure méthode déductive à partir, par exemple, d'axiomes sur des règles supposées universelles de choix humain et d’en dériver ensuite, logiquement, des propositions plus concrètes au sujet des phénomènes empiriques, l’EPK fonde toutes ses hypothèses théoriques sur des preuves empiriques. Cependant, cela ne signifie pas pour autant que dans l’EPK, toutes les hypothèses théoriques sont strictement prouvées par raisonnement inductif, c'est-à-dire par des preuves statistiques. Les hypothèses théoriques doivent être en phase avec les connaissances empiriques de base du comportement et des phénomènes économiques réels. De plus, le raisonnement logique joue un rôle important. A un niveau très basique, ceci implique un désir de cohésion interne des énoncés individuels d'une théorie, mais aussi d'une cohérence globale.
Un exemple peut être le lien entre les hypothèses microéconomiques (comme la concurrence, les prix et le comportement de l'entreprise) et la théorie macroéconomique (comme la détermination de la répartition fonctionnelle des revenus, qui est la répartition du PIB entre les salaires et les bénéfices). Plus précisément, le raisonnement logique joue un rôle important dans la création de théories économiques qui sont conformes à la pratique et aux conséquences de la tenue de la comptabilité à double entrée et de la comptabilité nationale. Les théories qui ne tiennent pas compte des identités comptables de base et de leurs conséquences économiques principales sont considérées d’emblée comme viciées par les post-keynésiens.
Troisièmement, les post-keynésiens semblent partager une certaine conscience des limites de la connaissance en économie. Cela se traduit par une certaine prudence et une certaine modestie à l'égard de la fiabilité des prévisions économiques concernant les variables quantitatives (p. ex. la croissance du PIB ou de l'inflation) d'une économie dynamique soumise à des changements structurels. Dans une telle économie certaines régularités empiriques particulières ne persistent que temporairement. De plus, les post-keynésiens ne cherchent pas nécessairement à intégrer chaque postulat ou hypothèse pertinente dans un modèle formel qui prétendrait à un degré de précision maximal, car cette précision est tout simplement hors d’atteinte en raison de la complexité qualitative des phénomènes en question - par exemple le comportement grégaire sur les marchés financiers. Ce point de vue peut être résumé par le constat pratique selon lequel il vaut mieux avoir à peu près raison que précisément tort. Le succès prédictif et le plus haut degré possible de précision quantitative n'est pas considéré comme l'objectif principal des théories économiques, car elles peuvent ne pas être conciliables avec la nature changeante et qualitativement complexe des économies capitalistes. Les économistes devraient être au courant des limites de la connaissance économique, et s'efforcer de développer des théories réalistes qui fournissent une description juste des mécanismes réels de causalité ainsi que des explications plausibles.
L'objectif général de l'économie dans une telle perspective est de raconter des histoires plausibles au sujet du fonctionnement du système économique dans le monde réel à partir de faits stylisés. Cette approche s'oppose fortement au point de vue épistémologique de l'instrumentalisme, qui ne se soucie pas du degré de réalité reflété dans les hypothèses de base et cherche uniquement à obtenir des prédictions correctes.
Comme nous l'avons mentionné plus haut, le principe ontologique le plus fondamental du paradigme post-keynésien, tout comme pour la branche hétérodoxe de l'économie de façon plus générale, peut être décrit comme une approche holistique ou une approche organiciste. En conséquence, les post-keynésiens plaident en faveur d’un holisme méthodologique. Un bon exemple de cette approche organiciste est la théorie post-keynésienne du choix, dans laquelle la consommation ou d'autres décisions de dépenses (c'est-à-dire investissement immobilier, éducation), ainsi que les décisions financières (c'est-à-dire les décisions de portefeuille et la prise de crédit) sont fortement interdépendantes entre les individus. Les individus, pour des raisons psychologiques et d'incertitude fondamentale, se comparent aux autres et construisent en partie leurs décisions sur des règles de base et des habitudes. Ces formes de comportement de groupe sont au cœur des explications post-keynésiennes de la récente crise financière. Sur la base de cette détermination sociale du comportement, la théorie post-keynésienne met l'accent sur le rôle des différentes classes et des institutions dans la société. Ceci constitue une forte objection à l'approche néoclassique encore dominante de l'individualisme méthodologique, qui requiert que toute explication de phénomènes économiques doive partir du comportement des individus en tant qu’atomes isolés.
L’EPK utilise des méthodes de recherche qui correspondent au principe de l’holisme. Parmi d'autres, les méthodes les plus importantes sont la modélisation macro formelle et la modélisation économétrique, la modélisation cohérente en stock et flux, la modélisation multi-agents, les simulations par ordinateur ainsi que les analyses institutionnelles et les études de cas.
Les post-keynésiens expriment souvent leurs théories macroéconomiques dans des modèles formels simples, qui décrivent les liens de causalité entre les variables macroéconomiques par le biais de paramètres structurels. Les hypothèses comportementales sous-jacentes, par exemple sur le comportement du consommateur ou de l'entreprise, ne sont généralement pas strictement modélisées, mais justifiées par des faits stylisés et par la connaissance des régularités empiriques. L'inégalité de revenu, par exemple, peut entrer dans une fonction PK de consommation agrégée sur la base d'études empiriques sur les comportements de consommation qui montrent que les ménages riches ont une plus faible propension à consommer ou que les ménages pauvres essaient d’adapter leur comportement de consommation à la classe de revenu supérieure suivante. Ces modèles ont donc des fondements microéconomiques, mais ils ne s'inscrivent pas dans un cadre formel d’optimisation sous contrainte. À la différence de la théorie néoclassique, les hypothèses au sujet du comportement individuel impliquent généralement un comportement façonné par les institutions et les contextes sociaux.
Les modèles macroéconomiques PK simples peuvent être statiques et se concentrer sur les effets de changements marginaux de variables exogènes sur les résultats économiques dans un marché des biens en équilibre. Les modèles dynamiques examinent quant à eux l'évolution des variables économiques au fil du temps et étudient la stabilité ou l'instabilité de certaines variables, par exemple la dette privée. Ces modèles capturent donc comme mentionné précédemment la nature systémique du capitalisme, et permettent une représentation de processus dynamiques et instables.
Les paramètres structurels de ces modèles sont souvent estimés de façon empirique grâce aux techniques économétriques standards. De la même façon, les hypothèses théoriques qui sont dérivées des théories PK peuvent être testées empiriquement par le biais de l'économétrie. Bien qu'une partie des économistes PK n'aiment pas l'approche économétrique en raison de leur scepticisme à l'égard des régularités universelles, il semble que la majorité des chercheurs s'intéresse à l'économétrie. Une autre façon commune d'évaluer les théories macroéconomiques est l'utilisation des études de cas comparatives de différents pays sur la base de la statistique descriptive.
Les modèles stocks-flux cohérents (SFC) représentent un autre volet de la modélisation PK formelle qui est devenu de plus en plus commune au cours des dernières années. Sa caractéristique analytique la plus importante est l'intégration des équations comportementales dérivées de la théorie PK dans un cadre de règles comptables rigoureuses (à noter toutefois que l’approche SFC n’est pas liée à une école de pensée spécifique). Cette approche est notamment fondée sur le principe que chaque actif financier est le passif de quelqu'un d'autre et que chaque entrée d'argent correspond à une sortie d’argent pour quelqu'un d'autre. Par conséquent, le cadre SFC assure que tous les flux et les stocks réels et financiers du modèle respectif soient entièrement intégrés et puissent être retracés jusqu'à leur origine. En conséquence, le modèle SFC s'inscrit très bien dans l'approche méthodologique holistique de l'EPK et la comptabilité globale permet de dériver certaines relations à partir de la comptabilité pure, ce qui signifie que ces modèles reposent moins sur des équations comportementales. Par exemple, certaines variables fonctionnent comme des variables d'ajustement qui garantissent que les contraintes budgétaires de tous les agents ou secteurs sont simultanément respectées. C'est important d'un point de vue post-keynésien puisque l'objet de l'analyse de l’EPK est une économie monétaire de production, comme mentionné plus haut. Il existe aujourd'hui une variété de modèles SFC allant de modèles relativement simples (avec solutions algébriques) à des modèles très élaborés et complexes qui sont résolus par simulation.
Un développement relativement récent est la combinaison de modèles SFC avec des modèles multi-agents (« agent-based models », ABM) afin d'inclure des agents économiques plus diversifiés dans les modèles PK. Un ABM est une simulation informatique d'un grand nombre d'interactions d’agents hétérogènes qui peut être utilisée pour étudier les résultats globaux qui émergent à partir des interactions individuelles et de leurs rétroactions au niveau individuel. La méthodologie de l’ABM diffère fortement de l'approche dite de l'agent représentatif, puisque dans les modèles ABM l'état de n'importe quel agent particulier lors de la simulation ne fournit pas nécessairement d'information sur l'état ou le comportement agrégé du modèle, et que le temps joue un rôle important. Par conséquent, la modélisation fondée sur les agents est un effort prometteur qui vise à fournir une microstructure explicite aux propriétés macroéconomiques émergentes des modèles PK.
Sur le plan méso-économique, l’EPK s'appuie sur des analyses institutionnelles, qui impliquent la méthode de la narration (ou storytelling). Les analyses institutionnelles décrivent la structure, le mode de fonctionnement et les relations des institutions et organisations économiques, ainsi que le type de régularité ou de tendances découlant de leurs interactions. Une analyse institutionnelle de la pratique des banques et des banques centrales, par exemple, pourrait expliquer comment la monnaie de crédit est créée, la manière dont les taux d'intérêt sont déterminés et la manière dont la banque centrale peut influer sur le taux interbancaire à court terme (par exemple, l’EUROBOR ou le taux des fonds fédéraux) par le biais de la politique monétaire. Cela permet une explication des effets de la politique monétaire, de ses capacités et de ses limites (p. ex. pourquoi la banque centrale ne peut pas contrôler l’offre de monnaie, et pourquoi elle réussit à cibler le taux interbancaire à court terme), et une comparaison des différents systèmes monétaires. Cette approche peut également être utilisée pour raconter des histoires sur la survenance de certains phénomènes économiques, par exemple la crise financière de 2007-08, en raison de changements institutionnels structurels à plus long terme dans le secteur financier. Bien que de telles analyses institutionnelles soient basées sur des cas empiriques spécifiques qui n'impliquent généralement pas de formalisation, ils fournissent souvent des conclusions plus générales sur le comportement et les événements économiques. De plus, ils peuvent sous-tendre des modèles macroéconomiques formels qui, en soi, ne sont pas en mesure de fournir de riches descriptions des institutions économiques sous-jacentes et des comportements qui génèrent certains résultats macroéconomiques.
La théorie PK est en principe compatible avec un large éventail d'idéologies ou d'objectifs. En exagérant un peu, d'une part, l’EPK peut être un cadre d'analyse d'un socialiste qui veut dépasser le capitalisme ou, d'un autre côté, elle peut être un outil pour un banquier d'affaires pro-capitaliste pour analyser l'environnement économique dans lequel il se situe. Le fait est que l’EPK se prête à différentes idéologies, puisque son objectif principal est de comprendre la dynamique des systèmes capitalistes d'un point de vue macroéconomique, indépendamment du fait que l'on veuille maintenir ou dépasser le capitalisme. Toutefois, chaque universitaire a une idéologie spécifique qu'il ou elle emploie dans l'évaluation d'une théorie.
Le post-keynésianisme n'a été associé de façon forte ou unique à aucun grand parti politique. Toutefois, on peut dire sans risque de se tromper que les post-keynésiens en général ne souhaitent pas éliminer le capitalisme, ils souhaitent plutôt le dompter et envisagent un système économique qui pourrait constituer une voie médiane entre le libéralisme et le socialisme. Par conséquent, un certain nombre de fondements idéologiques et d’objectifs politiques de nombreux économistes post-keynésiens peuvent également se retrouver dans le développement historique de la pensée sociale-démocrate, dans l'accent analogue sur les perspectives d'un jeu à somme non nulle, ou dans le capitalisme coopératif de classe. Cependant, de nombreux post-keynésiens sont fortement en désaccord avec les programmes politiques mis en avant par les partis sociaux-démocrates des pays capitalistes occidentaux après le virage néolibéral vers la "troisième voie" dans les années 1990.
En justifiant la poursuite d'un capitalisme socialement progressiste, beaucoup d’économistes post-keynésiens prétendent trouver un précédent historique pour ces perspectives dans l'âge d'or ou le régime fordiste du capitalisme, des années 1950 aux années 1970. Cette période a notamment été caractérisée, dans les pays capitalistes avancés, par une croissance économique régulière, une distribution plus égalitaire des revenus, le plein emploi (ou presque), un filet de sécurité sociale plus solide, une meilleure régulation du secteur financier et un État plus activement interventionniste engagé dans la gestion de la demande globale que lors de l'ère néolibérale qui a suivi. Les caractéristiques de cette époque peuvent être considérées comme une sorte de modèle pour le type de système économique en faveur duquel les post-keynésiens plaident. Afin d'y parvenir, l'objectif politique global est de changer l’impact de l'État et le système politico-économique. Le lecteur qui veut savoir comment y parvenir, socialement et politiquement, ne trouvera que rarement une réponse directe dans les écrits PK. Bien que quelques auteurs PK tentent d’étudier la question des facteurs socio-économiques et socio-politiques qui peuvent conduire à certains changements de l’économie globale ou des régimes capitalistes, on peut affirmer que ces questions ne constituent pas la principale préoccupation de la littérature académique PK. L’EPK énonce plutôt ce qui doit être réalisé au niveau macroéconomique afin d'éviter les instabilités et/ou les faiblesses structurelles persistantes liées au capitalisme. Il s'agit notamment de la stagnation, de l'inflation excessive ou de la déflation, des récessions, des crises financières et économiques, entre autres. Par exemple, de nombreux post-keynésiens affirment qu'une répartition plus égale des revenus entre les capitalistes et les travailleurs stimulera la demande globale et la croissance et peut donc augmenter les profits bruts de la classe capitaliste. Cela souligne le fait que pour l’EPK, il n'existe pas nécessairement un arbitrage entre la cohésion sociale en tant que cible politique et la croissance en tant que moyen économique pour maintenir des niveaux d'emploi élevés et améliorer les conditions de vie. Toutefois, puisque l'analyse de l'évolution sociale qui conduit à l'adoption de changements politiques est d'importance mineure par rapport aux recommandations de politiques économiques spécifiques dans l'EPK, on peut facilement avoir l'impression que l'approche PK à l'égard de la politique a une certaine affinité avec la technocratie. Et ce malgré le fait que de nombreux post-keynésiens sont bien conscients des défis sociopolitiques qui entravent la mise en œuvre de leurs recommandations "techniques".
La plupart des économistes post-keynésiens souscriraient à l'idée d'atteindre un système socialement plus juste, avec le plein emploi, de faibles niveaux d'inégalité des revenus et des niveaux élevés de liberté individuelle. Alors qu'aujourd'hui, de nombreux économistes post-keynésiens reconnaissent que la croissance infinie est problématique du point de vue de l'environnement, elle reste l’instrument central pour atteindre le plein emploi et peut donc être considérée comme un objectif clé de l’EPK.
L’EPK est favorable à un dosage des politiques macroéconomiques comprenant un rôle actif de la politique budgétaire pour stabiliser l'économie à court et à long terme. La politique monétaire devrait viser des taux d'intérêt faibles afin d'assurer la stabilité des secteurs monétaire, financier et réel. D’autres politiques pour stabiliser l'économie pourraient être mises en place, notamment la réglementation stricte des marchés financiers, par le biais de contrôles du crédit, ou par des taux de réserve obligatoires et différenciés sur les prêts consentis, ou des exigences de fonds propres pour les emprunteurs. En outre, il est considéré fondamental que les banques centrales agissent en tant que prêteurs ou même acheteurs de dernier recours. Les politiques salariales et de revenus devraient conduire à une croissance régulière des coûts salariaux unitaires nominaux, proche du taux d'inflation désiré. Les économistes post-keynésiens sont généralement favorables aux syndicats, car ils ont une importante influence sur la coordination des négociations salariales et donc sur la stabilité des prix. En ce qui concerne les politiques économiques internationales, l’EPK ne considère pas le libre-échange comme bénéfique pour les pays plus pauvres car il ne les aide pas à construire leurs propres secteurs manufacturiers compétitifs. Pour accomplir cela, les post-keynésiens privilégient le contrôle des capitaux, la gestion des taux de change et la protection de l'industrie naissante.
Il y a différents domaines de débats et d'analyses sur lesquels la recherche PK s'est concentrée. L'accent mis sur les différents problèmes et domaines de recherche a été fortement influencé par l'évolution des économies et des sociétés, par les modes, par les progrès de la technologie informatique et, bien sûr, par les événements historiques.
L'un des domaines où de nombreuses contributions ont été apportées récemment est l'utilisation de la technologie des études économétriques visant à déterminer si la demande globale d’un pays est tirée par les salaires ou par les profits. Alors que dans les pays menés par les salaires, une augmentation de la part des salaires conduit à une augmentation de la demande globale, elle mène à une diminution de la demande globale dans les pays menés par les profits. Dans le prolongement de cette approche, les effets de l'inégalité des revenus, la financiarisation, les questions liées à l'économie ouverte, la politique fiscale et d'autres facteurs de croissance font l'objet de recherches. De plus, la notion de financiarisation a récemment donné lieu à une riche littérature qui décrit et analyse les changements structurels dans de nombreuses économies vers une plus grande importance et domination du secteur financier. Les contributions dans ce domaine vont des analyses institutionnelles et descriptives des niveaux micro et méso aux études économétriques et aux modèles macroéconomiques formels. Les contributions PK au débat sur la financiarisation mettent l'accent sur ses effets négatifs sur l'investissement, la répartition des revenus et la stabilité financière. Cependant, il y a encore des énigmes à résoudre, comme la relation entre la financiarisation et le néolibéralisme.
Avec l'événement historique de la crise financière mondiale, l’intérêt pour l'hypothèse d’instabilité financière de Hyman Minsky a été ravivé, dans un effort pour mieux comprendre le lien complexe entre le secteur réel et le secteur financier et la tendance aux crises. Cela se fait en particulier avec l'aide de modèles dynamiques qui cherchent à étudier les idées de Minsky dans un cadre formel plus rigoureux, ou encore à l’aide des modèles SFC.
La prise de conscience globale des problèmes écologiques et, en particulier, du changement climatique ont également eu une influence sur l’EPK. Toutefois, il faut dire que, traditionnellement, les post-keynésiens n'ont pas passé beaucoup de temps à réfléchir aux questions environnementales, car ils se sont plutôt concentrés sur la réalisation du plein emploi par la croissance économique. Cependant, l'accent sur les contraintes environnementales a fait l'objet de beaucoup plus d'attention ces dernières années. Les économistes PK considèrent que l'économie écologique repose sur des bases microéconomiques solides, mais qu'elle s'appuie trop sur la macroéconomie néoclassique ; ils tentent donc d'introduire de la macroéconomie PK dans l'analyse écologique.
Enfin, il y a eu une forte augmentation de la diversité des méthodes de modélisation utilisées par les économistes PK. Par exemple, la crise financière mondiale a réaffirmé l’importance que les PK accordent au rôle du crédit et de la finance pour expliquer le déroulement de l'activité économique. Cela a donné un autre coup de pouce à la modélisation stocks-flux cohérente. Des modèles SFC à grande échelle qui décrivent l'ensemble d'une économie nationale se sont développés, pendant que des modèles multi-pays à économies ouvertes examinaient le commerce international et la finance. Un autre domaine d'avancement est la modélisation basée sur les agents multiples pour comprendre comment les interactions complexes au niveau microéconomique peuvent influencer les résultats macroéconomiques. Cela n'en est encore qu'à ses débuts car les post-keynésiens n'ont commencé à travailler avec ces modèles que récemment. D’autres auteurs se concentrent sur des questions comme les déséquilibres, l'instabilité et la façon dont l'économie passe d’un équilibre à un autre à travers le temps. Ce domaine de recherche utilise des modèles à dynamique non linéaire de plus en plus complexes qui nécessitent souvent des techniques informatiques pour simuler différentes solutions possibles au modèle. Ces modèles permettent d'avoir un aperçu des processus d'ajustement parfois chaotiques qui se produisent dans le monde réel et qui ont donc une tonalité très différente des modèles calmes et harmonieux d’équilibre général du courant dominant.
Tendance
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Thèmes majeurs |
Inspiration |
Fondamentalistes |
Incertitude fondamentale |
J.M. Keynes |
Kaleckiens |
Modèles de croissance et répartition |
Donald Harris |
Sraffiens |
Prix relatifs |
Krishna Bharadwajaj |
Institutionnalistes |
Fixation des prix |
Alfred Eichner |
Kaldoriens |
Croissance économique |
Wynne Godley |
Source: Lavoie 2014, p. 43.
L'école post-keynésienne est composée de plusieurs sous-écoles, chacune mettant l'accent sur des phénomènes différents, tout en s'accordant en même temps sur des notions clés importantes. Premièrement, que les variables monétaires sont essentielles à la compréhension de l'économie. Deuxièmement, que la demande effective est le moteur de l'économie aussi bien à court terme qu’à long terme. Troisièmement, que le futur est fondamentalement inconnu, et qu’il est donc impossible d'appliquer des probabilités aux différents futurs possibles. Quatrièmement, que l'économie est dépendante du sentier emprunté - c'est pourquoi il n'y a pas d’équilibre futur prédéterminé vers lequel l'économie va nécessairement tendre. Et enfin, cinquièmement, les PK considèrent tous les conflits distributifs comme ayant une grande influence sur l'ensemble du développement macroéconomique tant à court qu’à long terme.
S'appuyer trop lourdement sur Keynes, en tant que père fondateur intellectuel a aussi ses propres inconvénients, car cela peut mener à des discussions stériles sur ce que Keynes aurait vraiment dit, ou sur ce qu’il aurait vraiment vraiment dit. Les contributions de Keynes étaient en partie elles-mêmes fondées sur des éléments néoclassiques, puisqu'il fût l'élève d'Alfred Marshall. Par conséquent, certains économistes prétendent que Kalecki - qui a évoqué, mais en polonais, le principe de la demande effective avant Keynes, - était en quelque sorte le vrai fondateur de l’EPK, car son analyse est moins influencée par la théorie néoclassique, et plus par celle de Marx.
Le nom « économie post-keynésienne » obscurcit en soi les contributions de plusieurs auteurs différents et influents. Les fondamentalistes, comme on les appelle, fondent leur théorie principalement sur Keynes lui-même et se concentrent sur les thèmes de l'économie monétaire de production et sur la fragilité financière. Leur analyse a grandement contribué à la compréhension de la crise financière mondiale.
Les Kaleckiens s'intéressent principalement à la production et à l'emploi, aux cycles économiques, à la théorie de la croissance et à la fixation des prix. Les Sraffiens se sont davantage concentrés sur les prix relatifs et les choix des techniques de production. Les institutionnalistes englobent les auteurs qui étudient le cadre institutionnel de l'économie. Il s'agit notamment de Minsky (au moins en partie), des économistes comportementaux de la tradition post-keynésienne ainsi que des partisans de la théorie moderne de la monnaie qui se concentrent très intensément sur les relations qui unissent le gouvernement, les banques commerciales et les banques centrales. Les Kaldoriens se concentrent principalement sur la croissance à long terme et mettent en évidence les contraintes auxquelles les économies ouvertes doivent faire face en ce qui concerne la croissance et l'importance de la structure économique pour le développement. Ces distinctions sont principalement à but heuristique : aujourd’hui, par exemple, plusieurs Sraffiens se penchent sur des questions similaires à celles traitées par les autres post-keynésiens, le chômage volontaire ou la création monétaire notamment.
L’EPK a des liens avec plusieurs autres écoles de pensée hétérodoxes, en particulier avec le marxisme et l'économie institutionnelle, qui rejettent également l'économie traditionnelle. L'objet de l’analyse marxiste et de l’EPK est l'économie capitaliste où les relations entre les employeurs et les employés ainsi que la recherche du profit sont des éléments fondamentaux. Pour les marxistes et l’EPK, la monnaie et le crédit sont des éléments centraux de l'analyse des économies capitalistes intrinsèquement instables. De plus, les deux écoles de pensée rejettent la loi de Say, bien que certains marxistes ne le fassent que pour le court terme. Néanmoins, il y a aussi d'importants points de désaccord entre les deux paradigmes. Il est important de noter que la plupart des économistes PK rejettent la théorie marxienne de la valeur-travail ou considèrent au minimum qu'il s'agit d'une théorie plutôt inutile. L'idée marxienne d'une tendance à la baisse du taux de profit est aussi rejetée. Ces deux exemples illustrent les différences dans les points de vue et croyances méthodologiques, ontologiques et épistémologiques des deux écoles. Les liens entre l’EPK et l'économie institutionnelle sont également très forts et peut-être même plus forts que ceux avec le marxisme. L’EPK et l'économie institutionnelle soulignent tous deux l'importance des normes sociales, des conventions et de la formation des habitudes pour le comportement individuel. En fait, l’EPK fait un grand usage de l'analyse des questions microéconomique et socio-politiques que l'on trouve dans l'économie institutionnelle. Cependant, il y a encore une fois des différences importantes entre les deux écoles, en particulier en ce qui concerne la méthodologie. Par exemple, de nombreux économistes institutionnels rejettent les approches de modélisation formelle et économétrique que l'on trouve dans l’EPK.
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En résumant ce qui a été mentionné ci-dessus, l’EPK et l'économie dominante diffèrent concernant leur épistémologie et leur ontologie, leur compréhension de la rationalité, leurs méthodes et leur noyau économique et politique.
Tout d'abord, alors que l’EPK souligne l'importance du réalisme - essayer de raconter des histoires pertinentes au sujet de l'économie, basées sur des faits réels - l'économie dominante adopte le point de vue de l'instrumentalisme - qui ne se soucie pas du degré de réalité reflété dans leurs hypothèses, pour autant qu'elles permettent des prédictions quantifiées. C’est pourquoi les économistes du courant dominant utilisent le concept d'un agent capable d’une optimisation quasi omnisciente et omnipotente. Aussi connu sous le nom d'homo economicus, ce concept leur permet de faire des prédictions apparemment exactes au sujet de l'évolution de l'économie future, sans tenir compte du fait qu’en réalité les humains sont loin de se comporter comme cet agent. En revanche, l’EPK utilise le concept d’une rationalité raisonnable, une rationalité écologique selon laquelle les agents doivent se satisfaire de l’atteinte d’objectifs.. Comme de vrais humains, ces derniers suivent des règles empiriques et prennent des décisions qui conviennent dans un environnement caractérisé par l'incertitude fondamentale. La méthode de l’EPK suit une approche holistique, en reconnaissant que les êtres humains sont des êtres sociaux vivant dans un système complexe d'institutions, de genre, de culture, etc. De ce point de vue, un comportement raisonnable de la part des individus au niveau microéconomique peut conduire à des conséquences non voulues au niveau macroéconomique (voir les paradoxes évoqués ci-dessus par exemple). L’économie dominante adopte à l’inverse l'individualisme méthodologique, selon lequel le comportement individuel est tout simplement agrégé pour former une mesure du niveau macroéconomique, excluant à l’avance tout paradoxe micro-macro.
Le noyau économique de l'économie dominante est la rareté des ressources, à savoir le capital et le travail. Par conséquent, les économistes du courant dominant se concentrent sur l'allocation optimale de ces ressources et, suite à cela, considèrent les prix comme un indicateur de rareté. En revanche, l’EPK considère les données empiriques et pense que l'économie tourne généralement en deçà de sa pleine capacité. Cela façonne leur vision d’une économie d’abondance. .Les PK voient les prix comme des indicateurs des coûts unitaires de production. Leur principale préoccupation est plutôt de savoir comment employer toute la main-d'œuvre et le capital inactif. Ceci explique en partie pourquoi les PK ne se sont penchés qu’avec un certain retard sur les questions écologiques
Enfin, le noyau politique de l'économie dominante est fondé sur la croyance selon laquelle les marchés non régulés et dépourvus de frictions conduisent à une allocation optimale des ressources rares. L’EPK, bien qu’elle reconnaisse les effets positifs de l'esprit d'entreprise, se méfie de l'absence de limites aux actions des entreprises, notamment dans le cadre des marchés financiers, et prône plutôt une régulation stricte des marchés et des entreprises.
Cambridge Journal of Economics
Journal of Post Keynesian Economics
Metroeconomica
Review of Political Economy
Journal of Economic Issues
International Review of Applied Economics
European Journal of Economics and Economic Policies: Intervention
Review of Keynesian Economics
Review of Radical Political Economics
International Journal of Political Economy
PSL Quarterly Review
Bulletin of Political Economy
Brazilian Journal of Political Economy
Contributions to Political Economy
Panoeconomicus
Amérique du Nord: les conférences annuelles Hyman P. Minsky du Levy Economics Institute à New York, les conférences post-keynésiennes internationales (MMT) à Kansas City, et les séminaires d’été Minsky au Levy Economics Institute à Annandale-on-Hudson, New York.
Amérique du Sud: les conférences annuelles de la Associação Keynesiana Brasileiro (AKB)
Australie : les post-keynésiens sont des contributeurs et organisateurs majeurs des conférences de l’Australian Society of Heterodox Economics (ASHE)
Asie: les séminaires et conférences de la Japanese Society for Post Keynesian Economics, les séminaires ainsi que les conférences annuelles de la Keynes Society Japon
Royaume-Uni: les séminaires annuels de la Post-Keynesian Economics Society (PKES), anciennement le Post-Keynesian Economics Study Group, les séminaires à l’université de Cambridge, à la Kingston University (Londres), à la Leeds University Business School et à SOAS Londres.
Danemark: le Nordic Post-Keynesian Network (conférences bisannuelles)
France: les conférences post-keynésiennes et institutionalistes à l’université de Dijon puis de Grenoble, co-organisées par l’Association pour le Développement des Etudes Keynesiennes (ADEK). Les post-keynésiens français sont par ailleurs fortement impliqués dans l’Association Française d’Economie Politique (AFEP) qui organise des conférences annuelles et d’autres activités.
Espagne: l’université du Pays Basque à Bilbao en coopération avec le Cambridge Centre for Economic and Public Policy (conférences annuelles)
Allemagne: Keynes Society Allemagne (petites conférences annuelles pour participants germanophones). Le réseau de recherche sur la Macroéconomie et les Politiques Macroéconomiques (FMM) organise à Berlin des conférences internationales tous les ans ainsi que des universités d’été tous les deux ans.
Brésil: plusieurs universités (Campinas, Rio de Janeiro, ...)
États-Unis: University of Massachusetts Amherst, New School for Social Research New York, University of Missouri Kansas City et University of Utah Salt Lake City.
Royaume-Uni: Leeds University Business School, Kingston University London, SOAS London, Greenwich University, Open University, UWE Bristol
France: Université Paris 13
Espagne : Université du Pays Basque, Bilbao.
Allemagne: Berlin School of Economics and Law, HTW University of Applied Sciences Berlin - without PhD
Erasmus Mundus Master Programme « Economic Policies in the Age of Globalisation » (EPOG): avec l’université Paris 13, Université Paris 7, la Berlin School of Economics and Law, la Kingston University London, l’Université de Roma Tre, et l’université du Witwatersrand de Johannesbourg comme partenaires principaux.
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Titre | Intervenant | Institution | Date de début | Niveau |
---|---|---|---|---|
Economics of Money and Banking | Perry Mehrling | Columbia University | toujours | débutant |
Advanced Political Economy Lectures | Steve Keen | University of Western Sydney | always | avancé |
Behavioural Finance Lectures | Steve Keen | University of Western Sydney | rythme libre | avancé |
Economics from a pluralist perspective | Prof. Dr. Irene van Staveren, Prof. Dr. Rob van Tulder, Maria Dafnomili (PhD re… | Erasmus University Rotterdam | toujours | débutant |
An Introduction to Political Economy and Economics | Dr Tim Thornton | n.a. | 2022-01-30 | débutant |
Makroökonomische Modelle - Ein multiparadigmatischer Überblick | Claudius Gräbner | University of Duisburg-Essen | toujours | avancé |
Introducción a la economía | Juan Manuel Telechea | - | toujours | débutant |
Readyfor55 - Wirtschaftspolitik auf dem Weg zur Klimaneutralität | Zertifikatsprojekt, Netzwerk Plurale Ökonomik | - | aucun | débutant |
Ökonomie der internationalen Entwicklung. Eine kritische Einführung in die Volkswirtschaftslehre
Année de publication: 2012
Mandelbaum
Introduction to Post-Keynesian Economics
Année de publication: 2009
Palgrave Macmillan
The Elgar Companion to Post Keynesian Economics
Année de publication: 2012
Edward Elgar Publishing
The Oxford Handbook of Post-Keynesian Economic
Année de publication: 2013
Oxford University Press