Auteurs: Andreas Dimmelmeier, Andrea Pürckhauer & Anil Shah | 18 décembre 2016
Supervision et révision académique : Dr. Johannes Jäger
Traduction française : François Burq & Martin Dupont
L'économie politique marxiste (EPM) désigne une série de perspectives d'économie politique qui s’inscrivent dans ou sont reliées à la tradition des écrits et des idées de Karl Marx (en particulier le Manifeste communiste, les Grundrisse et le Capital). Bien que cette tradition de recherche soit très diversifiée et hétérogène, il est néanmoins possible d'identifier quelques principes clés qui lui sont communs. En général, l’EPM comprend une analyse intégrative de l'économie, de la société et de la politique. Ces trois domaines ne sont pas considérés comme des structures isolées mais comme des structures interdépendantes qui ont évolué historiquement. L'analyse de la lutte des classes, et donc de l'exploitation du travail par le capital dans le mode de production capitaliste, est fondamentale pour la compréhension des dynamiques prises en compte dans cette analyse.
Dans cette perspective, le capital et le travail représentent deux classes antagonistes. La première comprend les détenteurs des moyens de production (entre autres éléments de définition), tandis que la seconde se compose de travailleurs salariés et libres à un double point de vue. Ils sont libres de tout contrôle sur les moyens de production et libres - par rapport au système féodal - de vendre leur force de travail. Le capital, qui est principalement organisé de manière à assurer la rentabilité de l'argent investi, exploite donc ces travailleurs en vue de générer une plus-value. C'est pourquoi la fameuse notion de capital en tant qu'argent qui engendre de l'argent est formalisée par l’expression M-C-M'.
Une analyse économique intégrative, dans ce contexte, implique d'aller au-delà d'une simple focalisation sur le fonctionnement de l'économie. Ainsi, dans les conditions capitalistes, le travailleur n'est pas seulement exploité, mais est aussi confronté à l'aliénation. Cela signifie que les travailleurs salariés n’ont pas la maîtrise de leur propre travail. Au lieu de cela, ils sont employés dans le mode de production capitaliste, exécutant des tâches spécialisées dans la production de marchandises, sans posséder les produits de ce travail. De plus, le mode de production capitaliste ne se limite pas à une sphère isolée de la société, mais structure cette dernière de diverses manières. Par exemple, à travers le processus de marchandisation, les relations sociales qui étaient auparavant épargnées par la logique du marché sont transformées en relations commerciales, en relations d'échange ou en relations d'achat et de vente.
L’EPM affiche explicitement l’objectif de changer l'état actuel de l'organisation économique et sociétale, avec la perspective émancipatrice d’établir une société plus juste en triomphant du capitalisme. Bien que cette école de pensée soit généralement marginalisée dans l'ensemble des facultés d'économie, elle a suscité un regain d'intérêt au cours de la dernière décennie. Une grande partie de l'intérêt est due au fait que l'analyse de Marx est pertinente pour l'analyse et l'explication de la crise financière mondiale de 2007/2008 ; elle a également été pertinente pour divers autres mouvements de crise qui sont liés au système économique et semblent converger avec lui - la crise climatique par exemple. De plus, les nouvelles formes de protestations et de mouvements sociaux, ainsi que l'intensification des conflits sociaux en période de crise, ont également créé un besoin d’analyse académique radicale ainsi qu’un défi à relever pour cette dernière.
"Le fondement de toute analyse marxiste est sa compréhension de l'économie, de la reproduction du capital, du maintien de la rentabilité et de l'évolution des crises " (Gamble 1999, 140).
L’EPM perçoit l'économie comme un processus continu de transformation de la nature et de la société par la production. Le mode de production est la forme historique sous laquelle les deux dimensions fondamentales de toute organisation économique de la société sont unies. Ces deux éléments centraux sont les forces productives - qui permettent la production, telle que la technologie et le reste de l'infrastructure - et les relations de production, qui font référence à l'organisation de classe de la production, de la distribution et de la consommation dans la société. L’EPM soutient donc qu’au cours de l’histoire, la structure socio-économique des différentes sociétés est caractérisée par un mode de production qui lui est spécifique, comme l'esclavage, le féodalisme ou le capitalisme. La configuration historique des forces productives et des relations de production est un point de départ crucial pour l’EPM. Une attention particulière est accordée à l'analyse des luttes de classe et des différentes formes d'exploitation de la force de travail, ainsi que sur les contradictions et les crises de chaque mode de production. Ainsi, l'économie n'est pas conçue comme une plateforme neutre d'échange et de coopération, mais comme une construction historique et politique caractérisée principalement par des relations de pouvoir asymétriques, des idéologies et des conflits sociaux. Pour comprendre l'économie mondiale contemporaine, les partisans de l’EPM affirment que l'analyse de Marx sur le mode de production capitaliste aux XVIIIe et XIXe siècles demeure un point de départ utile.
Les "marchandises" sont au cœur de l'analyse de Marx sur le mode de production capitaliste ; elles sont définies comme des produits ou des services vendus sur les marchés et produits par la force de travail humaine. La caractéristique particulière des marchandises est leur double nature : ils présentent à la fois une valeur d'usage et une valeur d'échange. Le mode de production capitaliste est principalement défini par la négligence de la valeur d'usage, tandis que la valeur d'échange - se traduisant potentiellement en un retour sur investissement plus élevé - est considérée comme centrale. Ainsi, les sociétés capitalistes ne produisent pas principalement pour les besoins de la population, mais recherchent une valeur d'échange élevée - en d'autres termes, le profit. L’EPM soutient que ce profit est enraciné dans l'exploitation de la force de travail, et plus spécifiquement du travailleur salarié. Les capitalistes ne payent aux travailleurs que le salaire dont ils ont besoin pour reproduire leur force de travail, même si les travailleurs génèrent une valeur plus élevée. Cette plus-value est ensuite appropriée par les capitalistes et réinvestie. L'accumulation de monnaie sous la forme de capital entre les mains de la classe capitaliste est également définie par la notion d’accumulation du capital. Cette notion constitue la dynamique centrale du mode de production capitaliste et implique donc un impératif structurel de croissance de l'économie capitaliste. Pourtant, comme nous l'avons mentionné précédemment, le mode de production capitaliste n'est pas exempt de contradictions et, du point de vue de l’EPM, les crises jouent un rôle prépondérant en tant que motifs récurrents du développement capitaliste.
De manière générale, les crises sont causées par diverses contradictions qui sont inscrites dans la structure de base du mode de production capitaliste. De manière plus spécifique, elles sont issues d’une conjonction de tendances et de déclencheurs particuliers. Par conséquent, chaque crise économique ou financière est liée aux contradictions générales du capital et à des circonstances politiques, idéologiques et culturelles spécifiques. Différents courants de l’EPM soulignent l'importance de différents aspects de ces contradictions et beaucoup plaident pour une causalité multiple, y compris, par exemple, l'insuffisance du crédit et de la demande, la rareté ou les difficultés politiques liées à l'offre de main-d'œuvre, les résistances ou l'inefficacité dans le processus de travail ou encore l'excès de capital et la contraction des profits par les salaires.
Actuellement, de nombreux spécialistes de l’EPM soutiennent que la tendance à la suraccumulation du capital depuis les années 1970 est essentielle pour comprendre les diverses crises financières et économiques des dernières décennies dans le monde entier. Dans ce contexte, il y a trop de capital monétaire en quête d’opportunités d’investissement profitables. Étant donné que les investissements dans les actifs financiers sont devenus de plus en plus rentables au cours des dernières décennies, le capital monétaire est retiré de manière disproportionnée de la production industrielle et employé comme capital fictif. Cette forme de capital monétaire est fictive parce qu'elle ne s’appuie pas sur des bases matérielles comme les matières premières ou les activités productives. Bien qu'il ne génère pas de plus-value dans le processus de travail, le capital fictif peut se reproduire (M-M') car il représente un gage sur la réalisation d'une plus-value future (ante-validation). Si ces investissements peuvent être rentables pour certains détenteurs de monnaie, l'économie en général souffre de l'inégalité économique croissante, d’un manque de demande effective (qui est temporairement soutenue par la consommation à crédit) et de l'inflation récurrente des prix des actifs qui se traduit par l'éclatement de "bulles". Un excellent exemple de ce processus est la crise financière mondiale de 2007-2008 qui a été déclenchée par des transactions excessives de produits dérivés (qui sont du capital fictif) via des prêts “subprimes” à risque.
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Le problème central abordé par l’EPM est l'exploitation des travailleurs par le capital, c'est-à-dire le rapport de domination entre les classes sociales, ainsi que le pouvoir du capital. L'unité d'analyse est donc la classe plutôt que l'individu et les intérêts collectifs sont déterminés au sein des classes plutôt qu’entre les individus. Cela ne signifie pas que les individus sont incapables de faire leurs propres choix. Cependant, à l'intérieur d'un certain mode de production, il existe des structures matérielles et sociales puissantes (comme la concurrence, par exemple) qui incitent les gens à se comporter d’une certaine manière. Par conséquent, l’EPM ne propose pas une vision universaliste de l'homme comme étant nécessairement compétitif ou collaboratif, mais met l'accent sur les effets de modes de production historiquement situés sur le comportement des hommes.
Au sein d’un mode de production donné, l’EPM a historiquement cherché à isoler certaines tendances et lois pour étudier la dynamique des sphères économique, sociale et politique. Dans le mode de production capitaliste, des exemples de ces tendances seraient l'accumulation croissante du capital et sa concentration, mais aussi les crises récurrentes du système productif capitaliste. Ces lois régissant les dynamiques sont considérées comme étant ontologiquement réelles et certains chercheurs au sein de l’EPM ont soutenu qu’elles déterminent le comportement des sociétés. Certains courants de l’EPM ont cependant mis l'accent sur la surdétermination, soulignant que même si des lois peuvent être discernées, leur interconnexion et leur multiplicité rendent plus difficile de faire des conclusions précises sur le comportement des sociétés humaines (voir aussi Méthodologie). La théorisation dans le domaine de l'économie politique critique a mis l'accent sur le concept d'hégémonie, soulignant la nature historique des processus de changement sociétal et la lutte constante des idées et des mouvements (la “guerre de position” selon les mots d'Antonio Gramsci) pour la domination temporelle et spatiale. Selon ces théoriciens, les lois des sociétés et des économies dépendent davantage des conjonctures historiques et culturelles, ce qui s’oppose à la détermination de la théorie. Un pont possible entre ces deux traditions peut être trouvé chez les théoriciens réalistes critiques. Ces derniers supposent un monde réel, à la fois dans le monde naturel et le monde social, mais ceci est sujet à des changements et des actualisations qui peuvent trouver leur origine dans les actions d'acteurs historiques et spatialement confinés. Avec Marx, on pourrait le reformuler comme suit :
“Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas à leur guise ; ils ne la font pas dans des circonstances qu'ils ont choisies eux-mêmes, mais dans des circonstances qui existent déjà, qui ont été données et transmises par le passé.” (Marx 1852)
Malgré ces différences théoriques, les théories de l’EPM s'accordent généralement à dire que le monde n'est pas fait de particularités qui peuvent être isolées à des fins d'analyse. Au lieu de cela, des entités comme les classes, les entreprises, les États et les institutions existent dans un contexte, ce qui est essentiel à leur existence. En désagrégeant ces composantes plus grandes pour les réduire à leur partie constituante, on ne peut rendre justice à leur nature réelle, puisqu'à chaque strate ou niveau d'organisation (des particules subatomiques aux systèmes complexes comme les sociétés humaines), il y a des pouvoirs émergents qui sont ontologiquement réels en soi (Sayer 1992, 119). En outre, l’EPM donne de l'importance aux processus dynamiques tels que les conflits de classes ou l'accumulation qui sont ancrés historiquement et changent au fil du temps. En plus de cela, un aspect important de l’EPM est que le capital n'est pas défini ontologiquement comme un actif matériel (comme l'argent, les machines, etc.) mais comme une relation sociale et n'acquiert donc une existence et une signification ontologiques qu’au sein du mode de production capitaliste et des relations de classe qui lui correspondent.
Les théories de l’EPM s'identifient explicitement comme normatives et performatives et considèrent la position positiviste de la science descriptive et indépendante de toute valeur comme fausse et idéologiquement motivée. Par conséquent, le but de l'analyse scientifique est de créer un savoir qui favorise l'émancipation de ceux qui sont dominés et opprimés. Si historiquement, l’EPM est d’abord et avant tout préoccupée par l’émancipation des prolétaires face à l’exploitation capitaliste (ou esclavage salarié), il faut noter une attention croissante de la part de chercheurs affiliés à l’EPM pour l’émancipation d’autres groupes subissant des formes de domination irréductibles à l’exploitation capitaliste elle-même, comme par exemple les femmes face au patriarcat, ou encore les paysans et les peuples autochtones du Sud global face à l’accumulation par dépossession.
Selon Andrew Sayer, de nombreux partisans des sciences sociales critiques (dont l’EPM fait partie) conçoivent l'émancipation comme procédant de la manière suivante (Sayer 1997, 474) :
En identifier les sources ou les causes, c’est-à-dire une forme particulière de domination.
Porter un jugement négatif sur ces sources d'illusion et d'oppression.
Favoriser (ceteris paribus) des actions qui éliminent ces sources.
Comme le note Sayer, il y a cependant des problèmes avec cette progression linéaire allant de l'identification scientifique des problèmes aux conclusions, en particulier pour la question de savoir ce qui constitue une pratique émancipatrice ou bien pour déterminer quelles valeurs et normes peuvent être considérées comme meilleures que d'autres car étayées par des preuves scientifiques. La critique de Sayer souligne spécifiquement le besoin d'alternatives concrètes et réalisables (en termes généraux ou sous forme d'expériences de pensée, et non de plans détaillés), qui sont nécessaires pour évaluer si la suppression d'un problème et son remplacement par quelque chose d'autre signifierait effectivement une amélioration ou une émancipation pour un certain groupe. Par ailleurs, il problématise les nouvelles interrelations émergentes qui peuvent surgir une fois qu'une pratique est remplacée par une autre et que, par conséquent, la pratique émancipatrice dans une partie de la société peut entrainer la répression dans une autre. Par exemple, les femmes occidentales qui s'intègrent dans la main-d'œuvre rémunérée en sous-traitant du travail reproductif à des femmes du Sud ; ou bien les travailleurs qui reprennent une mine de charbon qui, autrement, devrait être fermée, s’émancipent sûrement, mais cela peut avoir des répercussions négatives sur l'environnement ou d'autres communautés habitant la région, car celles-ci peuvent être affectées négativement par la pollution.
La théorie de l’EPM, qui s'inscrit dans la tradition philosophique du réalisme critique, soutient que le lien entre le monde réel et la recherche scientifique n'est pas simple. Ils rejettent le positivisme et l'empirisme "naïf", qui veut que le monde réel parle au scientifique qui, sans intermédiation, peut le représenter. Le constructivisme fort, le point de vue selon lequel le scientifique crée le monde réel en élaborant des conceptions ou en parlant de manière autoréférentielle à travers des cadres que les scientifiques précédents ont posés, est également rejeté. Au lieu de cela, on reconnaît la nature faillible de la science ainsi que son caractère chargé de théorie et dépendant de la position, mais on considère qu'il est possible de juger si la théorie est bonne ou mauvaise en se référant au monde réel. Cela signifie que la recherche en sciences sociales peut être différenciée, selon la théorie utilisée ainsi que la biographie personnelle et les prénotions (par exemple la classe, le sexe ou l’habitus) du chercheur. Néanmoins, il est possible de juger si une recherche particulière tire des conclusions valables et, en tant que tels, des énoncés objectifs sur les mécanismes de causalité responsables de phénomènes sociaux concrets sont possibles.
Le test qui permet de déterminer la véracité d’une déclaration est cependant un peu plus compliqué dans le réalisme critique que dans d'autres traditions. Étant donné l'accent mis sur les mécanismes causaux plutôt que sur les régularités et les corrélations, de simples tests statistiques ne suffiront pas à établir la validité d'une hypothèse. Au lieu de cela, à partir des preuves d'observation, des abstractions doivent être faites afin de vérifier la validité d'un supposé mécanisme causal. Ainsi, par exemple, il peut être nécessaire de réaliser des études de cas contrefactuelles ou des expériences de pensée afin de vérifier le pouvoir explicatif d'une hypothèse.
D'autre part, en ce qui concerne la validation de la théorie, il y a un grand scepticisme à l'égard de la prédiction. Cela s'explique par le fait que, dans des systèmes ouverts surdéterminés et en constante évolution, les mécanismes peuvent changer au cours du processus et, par conséquent, de nouveaux mécanismes peuvent émerger.
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L'EPM ne procède ni par déduction ni par induction, mais suppose qu'il y a de multiples causes et donc de multiples façons d'entreprendre des recherches. Cela dépend de la situation, par exemple du moment particulier du développement capitaliste. Un élément central de l'analyse marxiste est la dialectique. La dialectique prétend transcender la logique classique de la causalité directe et des relations linéaires et la remplace par une compréhension dynamique des processus ainsi que par différentes catégories qui seraient parfois considérées comme contradictoires en termes classiques. Un exemple de raisonnement dialectique est donné à la figure 1 (Sayer 1992, 141), où des concepts simples et abstraits sont combinés avec les caractéristiques complexes, spécifiques et contingentes d'une situation concrète.
Figure 1. Un exemple de raisonnement dialectique
Les théories de l'EPM sont assez éclectiques en ce qui concerne la méthode de recherche :
Il existe des modèles mathématiques (p. ex. l'interprétation temporelle et en système unique (TSSI) de la théorie de la valeur marxienne)
Des analyses de discours (par exemple en 1996, l’analyse de Hay de la construction par les médias britanniques de "l'hiver du mécontentement", qui a ouvert la voie à la politique anti-syndicaliste de Thatcher)
Des études de cas détaillées (par exemple, l'analyse historique de la zone euro et de la crise de l'euro réalisée par Jessop en 2014).
Étant donné que la recherche menée au sein de l'EPM fait souvent référence à des concepts abstraits comme le capitalisme financiarisé ou les régimes d'accumulation, ces conceptualisations doivent être pertinentes et justifiées par leur valeur analytique plutôt que par leur caractère ad hoc. Comme exemple négatif de concepts mauvais ou chaotiques, Sayer pointe le concept agrégé du "secteur des services", qui regroupe des activités économiques aussi peu liées que le nettoyage des rues, la programmation informatique et la comptabilité financière. Ainsi, les déclarations attribuant des pouvoirs de causalité au secteur des services (par exemple, "une économie dominée par le secteur des services contribue à x” ou "une baisse de la productivité du secteur des services affecte y") semblent plutôt absurdes.
Quant à savoir si c'est la perspective théorique ou l'objet de recherche qui guide la recherche au sein de l’EPM, historiquement la perspective théorique a toujours été plus importante. Ainsi, peu importe l‘objet (par exemple, différentes sociétés, différents systèmes économiques, ou différents secteurs économiques), celui-ci peut être analysé du point de vue, par exemple, de la théorie de la valeur-travail, des théories du pouvoir et de l'hégémonie ou du matérialisme dialectique. Pour ceux qui travaillent dans la tradition du réalisme critique, cette fidélité aux méthodes est cependant un peu moins prononcée, puisque le réalisme critique prétend que différentes couches ou strates existent ontologiquement, et doivent donc être identifiées par différentes branches de la science. Par conséquent, chaque objet - par exemple, "l'économique", "le culturel" ou "le biologique" - nécessiterait une approche scientifique distincte, ce qui donnerait plus d'importance à la recherche guidée par l’objet par rapport à la recherche guidée par la perspective.
Les économistes politiques marxistes ont comme objectifs explicites de critiquer la société dans un premier temps, et dans un second temps la transformer. Cet objectif peut être conçu comme performatif et réflexif. Il ne s'agit donc pas seulement de décrire la société mais de la faire évoluer. Le rôle de la critique est central à cet égard. Après tout, la critique par Marx de l'économie politique était autant une critique de l'économie politique classique qu'une critique des conditions économiques et sociales existantes.
Cette perspective émancipatrice vise une société plus juste qui lutte contre la domination, l'exploitation et l'inégalité, et vise donc à réformer radicalement ou à dépasser le capitalisme. L'émancipation ne concerne pas seulement l'inégalité en termes de revenus, de propriété ou d'aliénation, mais aussi la domination sexuelle ou raciale. La répartition du revenu et de la richesse est structurellement inégale en raison des relations capital-travail. Pourtant, bien que l'égalité distributive et le capital soient incompatibles, les différentes phases capitalistes ont été caractérisées par différents degrés d'inégalité. Par exemple, l'après-guerre s'est caractérisée par une répartition plus équitable des revenus et de la richesse dans les économies industrielles, alors que depuis les années 1980-1990, les inégalités économiques ont augmenté massivement à travers le monde. Contrairement aux approches keynésiennes, l’EPM n'insiste pas sur la nécessité de revenir à "l’âge d'or" en réduisant les disparités de revenus et de richesses par le biais de l'État (par exemple, par la fiscalité). Il suggère plutôt de s'attaquer aux inégalités à la racine. Ainsi, les initiatives visant à rendre le contrôle aux travailleurs, les économies basées sur la solidarité et les structures de production communautaires et coopératives sont fréquemment encouragées, parce qu'elles modifient les conditions mêmes des productions qui sont à la base des inégalités existantes (voir aussi Harvey 2014, 164-181). Par exemple, au lendemain de la crise financière, le concept des communs - l'organisation et l'utilisation communale des biens et des ressources - a été fortement débattu au sein des mouvements sociaux (voir, par exemple, Federici 2011). Les biens communs sont considérés comme un moyen de faire face aux conséquences de l'aliénation, de l'accaparement des terres, de l'inégalité de patrimoine et de revenu et de la marchandisation de la vie et du savoir, et comme une façon de s'appuyer sur les mouvements sociaux, en particulier en Amérique latine. Comme dans le cas des communs, la plupart de ces ambitions ne sont pas des objectifs politiques fixés dans des programmes de partis, mais sont plutôt formulées comme des revendications par divers mouvements sociaux ou mises en pratique par des alternatives existantes. En ce sens, l'une des alternatives pratiques les plus étendues est peut-être la région autonome contrôlée par les zapatistes au sud du Mexique.
Un autre thème normatif puissant de la critique du capitalisme par l'EPM est l'aliénation que vivent les travailleurs salariés dans une économie capitaliste. La structure capitaliste de production - dans laquelle l'organisation et le type d'activité économique sont déterminés par les détenteurs du capital en écartant les travailleurs des décisions portant sur la manière d’utiliser leur énergie productive - contribue à une condition psychologique dans laquelle les travailleurs sont privés du sens de leur travail et réduits à un simple instrument dans le processus de production. Cette condition pitoyable, ainsi que la tendance à créer de la pauvreté et d'énormes inégalités en dépit de l’énorme potentiel de production débloqué par le capitalisme, fournissent (entre autres) une justification à l'argument marxiste selon lequel le capitalisme est quelque chose qui doit être dépassé.
Au cours des dernières décennies, l'EMP a contribué à l'élaboration d'un grand nombre de publications sur des sujets aussi divers que la constitution des classes et les conséquences socio-économiques de la globalisation néolibérale, la financiarisation de l'économie mondiale, le pouvoir du capital transnational et le potentiel des formations post-capitalistes en phase de convergence de différents moments de crise. Cartographier l'ensemble de ces débats et points de vue irait bien au-delà des ambitions de la présente section. Au lieu de cela, nous préférons effectuer une brève révision des discours liant convergence des crises, stratégie de gauche et transformation vers des sociétés post-néolibérales ou même post-capitalistes, car ces thèmes se reflètent dans presque tous les débats actuels de l'EPM (voir contributions et numéros spéciaux dans les revues énumérées ci-dessous).
L'avènement de la crise des subprimes américains en 2007-2008, qui s'est rapidement transformée en crise financière et économique pour la majeure partie de l'économie mondiale, a marqué un retour de l'analyse marxiste et de la critique du capitalisme. Même les journaux grand public et conservateurs ont fait savoir que "Marx est de retour" (Fuchs 2014, 9-10). La première et la plus importante recherche fondamentale de solutions de rechange au lendemain de la crise financière a peut-être été le mouvement "Occupy". Leur slogan "Nous sommes les 99%" n'était pas seulement une figure rhétorique, mais résonnait avec les inégalités existantes de richesse et de représentation politique aux Etats-Unis et dans une grande partie de l'économie mondiale.
De nombreux spécialistes auteurs en EPM affirment que cette crise peut représenter une crise d'ampleur ou une crise structurelle pour le capitalisme, modifiant potentiellement la structure de l'économie mondiale pour les décennies à venir. Dans ce contexte, un courant croissant de recherche interdisciplinaire a élargi le débat en soulignant que la crise ne se limite pas à la finance ou à l'économie, mais doit plutôt s'entendre comme des crises multiples, notamment la crise climatique et environnementale, une crise de la démocratie représentative et de la gouvernance mondiale, et une crise de la reproduction sociale. En définitive, la convergence de ces dynamiques de crise appelle une transformation fondamentale de l'organisation sociale de la production, de la distribution et de la consommation mondiales. A cet égard, les contributions actuelles débattent intensément des stratégies, des forces et des faiblesses des politiques transformatrices et des mouvements sociaux face à la crise. Les débats sur le post-capitalisme, les nouvelles formes de socialisme ou de communisme ont été très présents ces dernières années. La mesure dans laquelle ces débats se traduiront par un changement social effectif dépendra en grande partie de la configuration de l'équilibre des forces dans la société - et non de la rapidité et de la portée du débat académique. Pourtant, ces derniers peuvent offrir aux étudiants un point de départ intéressant pour repenser fondamentalement la société et le changement social, ce qui n'est pas la moindre des raisons pour lesquelles de nombreux étudiants en économie se sont intéressés à comprendre et à utiliser le PPE (voir, par exemple, Barkin 2009 ; Harvey 2014 ; Rethinking Marxism 2010).
L'EPM, comme la plupart des autres paradigmes académiques, a connu différentes vagues de rénovation, de réception et d'ampleur au cours des 150 dernières années (pour un aperçu du marxisme occidental, voir aussi Anderson 1976). Alors que les premières générations étaient presque exclusivement des militants politiques, des stratèges de parti et des universitaires, l'EPM s'est en même temps fortement institutionnalisée comme paradigme académique (avec moins d'affiliation politique) aux Etats-Unis et en Europe pendant la guerre froide - surtout dans les années 1970 et 1980. Une partie de ce renouveau depuis les années 1970 se reflète également dans le domaine émergent de l'économie politique internationale ("IPE" en anglais).
Du socialisme utopique au marxisme classique (ou orthodoxe), du néo- ou post-marxisme au marxisme analytique et à l'économie politique critique, un large éventail de perspectives historiques et contemporaines ont été associées à l'EPM. Afin de tenter de fournir une typologie, Stephan Resnick et Richard Wolff (2006) ont classé ces perspectives dans les six grandes catégories suivantes.
Les théories de la propriété mettent l'accent sur la répartition inégale de la richesse et de la propriété des moyens de production. Les conflits de classes, l'exploitation et d'autres dynamiques à l'intérieur du système capitaliste découlent de la distribution de la propriété.
Les théories du pouvoir mettent l'accent sur les structures de pouvoir et d'autorité et sur la possibilité que certaines classes (par exemple les capitalistes) mobilisent le pouvoir (comme la violence physique ou le pouvoir institutionnel exercé par l'État) pour, par exemple, inciter et menacer les travailleurs à travailler dans des conditions d'exploitation.
Les théories de l'accumulation mettent l'accent sur l'élan implacable d'accumulation qui est interne au capitalisme en tant que force motrice du système et qui reproduit donc toutes les autres dynamiques et relations sociales.
Les théories des forces de production mettent l'accent sur les technologies productives en tant que déterminants de la façon dont une société est structurée et des relations qui se forment entre ses composantes.
Les théories de la conscience soulignent l'importance de la culture et du partage des idées. Un exemple majeur est la tradition gramscienne qui théorise sur "l'hégémonie", où la domination des travailleurs par les capitalistes ne peut être maintenue que si les premiers acceptent cette relation de classe, qui est justifiée sur la base d'idées et de théories.
Les théories de la surdétermination ne privilégient aucune des explications susmentionnées d'une manière déterministe et les considèrent plutôt comme des explications partielles. Néanmoins, l'accent mis sur les relations de classe et une position critique et émancipatrice sont maintenus dans leur théorisation du système capitaliste.
La théorie de la régulation (p. ex. Michel Aglietta, Robert Boyer, Benjamin Coriat...)
Les économistes de l'École de régulation s'intéressent à la stabilité et la continuité du mode de production capitaliste malgré sa crise récurrente. Ils examinent l'existence historique et spatiale de régimes d'accumulation (comme le fordisme d'après-guerre), qui ont un ensemble distinctif d'institutions et un mode de régulation qui permet leur reproduction continue dans la sphère de la production, de la consommation, de la politique et du contexte international. L'école de régulation combine des aspects de la théorie marxiste avec des approches institutionnalistes et post-keynésiennes.
La théorie des systèmes-mondes (p.ex. Immanuel Wallerstein, Giovanni Arrighi, Beverly Silver, Jason W. Moore...)
Les économistes de la théorie des systèmes-mondes mettent l'accent sur l’exploitation et la distribution inégale du pouvoir non pas au sein d'un Etat capitaliste mais à l'échelle mondiale, entre pays industrialisés (le centre), pays "en développement" (la périphérie) et pays situés dans une zone intermédiaire (la semi-périphérie).
Les théories néo-gramsciennes et de l‘hégémonie (p. ex. Antonio Gramsci, Ernesto Laclau, Chantal Mouffe, Robert Cox...)
Les économistes néo-gramsciens mettent l'accent sur les aspects politiques, culturels et identitaires de la lutte pour une structure dominante, à la fois en termes productifs et en termes de relations de classe (hégémonie). Les idées et les discours ainsi que le pouvoir institutionnel et matériel déterminent l'existence de l'hégémonie, qui reste toujours contingente et est à la fois historique et spatiale.
L’écomarxisme (p.ex. John Bellamy Foster, Paul Burkett, James O’Connor...)
L'écomarxisme a évolué comme une double critique : celle du manque d'analyses de classe dans la pensée écologique, et celle de l'absence d'écrits écologiques dans le marxisme à la fin des années 1980 (O'Connor 1988). Les auteurs ont été inspirés par les 'nouveaux mouvements sociaux' et tentent depuis lors de combiner la pensée rouge et la pensée verte. La clé de cette approche est une relecture de Marx à la lumière des dimensions écologiques de la reproduction du capital. L'un des arguments les plus importants se réfère à la deuxième contradiction du capitalisme, à savoir celle selon laquelle l'accumulation continue du capital se nourrit de ses propres conditions d'existence ("la nature "). De plus, les écomarxistes affirment que les relations nature-société doivent être comprises comme un métabolisme, consistant en l'échange de matière entre la société et la nature, qui se fait par le biais de différents modes de production. Tout comme l'aliénation du travailleur salarié, l'être humain est aliéné de la nature, ce qui fait référence à un déséquilibre entre le cycle naturel et le cycle économique. Ce déséquilibre s'accentue avec l'expansion de l'accumulation du capital et il est désigné sous le nom de 'rupture métabolique' (Foster et al. 2011). Au milieu de la crise écologique actuelle (ressources, énergie, climat, etc.), la vision de l'éco-socialisme est une vision viable pour ces chercheurs (voir par exemple Löwy 2005).
Le marxisme féministe (p. Ex. Maria Mies, Silvia Federici, Frigga Haug...)
Les marxistes féministes s'attaquent à l'oppression des femmes dans le capitalisme et le patriarcat. Un aspect important est l'organisation du travail et des activités de prise de soin ('care') non rémunérées. Ainsi, elles soulignent des omissions dans l'analyse marxiste, en particulier dans le travail reproductif des femmes. Dans la théorie de Marx sur l'exploitation du travail, les capitalistes paient aux travailleurs un salaire pour la reproduction de leur main-d'œuvre - mais cette reproduction ne représente que la consommation de biens et non les activités de prise de soin. Le débat sur le "salaire pour travail domestique" ('wage-for-housework debate') soulevé par les marxistes féministes dans les années 1970 (Mariarosa Dalla Costa, Silvia Federici) a abordé cet angle mort et a servi de point de départ à une analyse féministe plus approfondie du travail reproductif.
Superposition avec d’autres disciplines
Puisque la plupart des traditions de l’EPM rejettent la réduction de l'analyse du capitalisme au seul domaine économique, il existe de nombreuses relations avec d'autres disciplines. L'analyse critique et marxiste se retrouve en sociologie, sciences politiques, relations internationales et économie politique internationale, mais aussi en linguistique, géographie, psychologie (notamment Freud et Lacan), théorie sociale et philosophie.
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Resnick et Wolff (2006) opposent les économistes marxistes et les économistes néoclassique en montrant qu'ils ont des points d'entrée différents pour l'analyse de la société et de l'économie : l'économie néoclassique commence par l'hypothèse d'individus rationnels et intéressés qui interagissent via le marché dans un monde de ressources rares, alors que le point d'entrée de l'EPM est l'analyse des classes, que ce soit en termes de pouvoir ou d'appropriation. Ces différents points d'entrée ont de vastes implications sur la manière d'analyser l'économie, par exemple sur la manière d'analyser le revenu des individus. Selon l'EPM, le revenu des individus ne dépend pas de leur libre décision sur la quantité de travail à fournir ou de leur productivité marginale mais de l'appropriation de la plus-value par les capitalistes. L'EMP reproche à l'économie néoclassique d'ignorer les relations de pouvoir entre les classes, là où pour Marx, elles déterminent le comportement et les décisions des individus. Selon l'EPM, les individus sont liés par de multiples structures sociétales, économiques et politiques, et pas seulement par l'organisation de l'offre et de la demande sur le marché. Ces relations socio-économiques sont déterminées par le mode de production - le capitalisme - qui est caractérisé par des hiérarchies et des conflits. Ainsi, l'économie n'est pas une simple plateforme d'échange entre individus égaux. Pour l'EPM, le capitalisme est un mode de production qui a évolué historiquement. D'autres formes (esclavage, féodalisme) ont existé et d'autres modes de production pourraient voire le jour (socialisme). L'analyse historique et la conception dynamique sont nécessaires pour comprendre les configurations actuelles de l'économie.
De plus, l'économie marxiste et l'économie néoclassique ont des conceptions différentes du capital, une catégorie centrale de l'analyse marxiste. La conception néoclassique du capital est très large, incluant l'argent, les moyens de production, mais aussi la connaissance ou les réseaux sociaux (capital humain et social) et l'environnement naturel lui-même (capital naturel). Pour l'EPM, ces éléments sont perçus comme du capital s'ils sont employés dans le processus de production par l'utilisation de main-d'œuvre salariée. Le capital est une relation sociale, une relation qui est déterminée par l'exploitation de la force de travail.
Même si l'EPM met en évidence certaines lois dynamiques, elle affirme qu'il n'y a pas une perception unique de la réalité sociétale et économique, mais que les perceptions peuvent varier. Il n'y a donc pas une seule réalité objective à analyser. Au contraire, la "réalité" que l'on découvre dépend aussi du point de vue du chercheur et des méthodes utilisées. De plus, le caractère politique de l‘académisme est souligné, la science jouant un rôle crucial dans la légitimation et la normalisation de certaines politiques et de certains ordres sociaux, tout en en rendant d'autres impossibles. En ce sens, les économistes politiques marxistes soulignent leur responsabilité sociétale (économistes du monde réel - 'real world economists').
Karl Marx, Friedrich Engels, Wilhelm Liebknecht, Ferdinand Lassalle, August Bebel, Paul Lafargue, Karl Kautsky, E. Belfort Bax, Georgi Plekhanov, Dora Montefiore, Daniel DeLeon, Rosa Luxemburg, Eduard Bernstein, Clara Zetkin, Vladimir Lenin, Alexandra Kollontai, Leon Trotsky, Antonio Gramsci, Maurice Dobb, Louis Althusser, Ernest Mandel, Paul Baran, Paul Sweezy, Michio Morishima, Shigeto Tsuru, Rudolf Hilferding.
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Readyfor55 - Wirtschaftspolitik auf dem Weg zur Klimaneutralität | Zertifikatsprojekt, Netzwerk Plurale Ökonomik | - | aucun | débutant |
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Economics for Emancipation | Center for Economic Democracy, Center for Popular Economics | - | aucun | débutant |
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