Auteur : Joeri Schasfoort
Traduction française : Guillaume Pelloquin
L'économie de la complexité est l'étude des systèmes économiques en tant que systèmes complexes. Les systèmes complexes sont des systèmes composés d’agents en interaction qui changent leurs actions et leurs stratégies en fonction du résultat qu'ils créent mutuellement (Arthur 2013). Les économistes de la complexité étudient l’émergence de structures et le déploiement de motifs identifiables dans l’économie (Arthur 1999). Depuis la crise financière de 2008, les modèles traditionnels, basés sur la notion d’équilibre, n’ont pas réellement été capables d’éclairer la politique économique (Armstrong 2017), les principes de la théorie de la complexité ont donc suscité un intérêt croissant (Battiston et al 2016).
Les économistes de la complexité considèrent l’économie comme un système complexe constitué d’autres sous-systèmes complexes, qui en font partie et qui se chevauchent.
Dans ce système, les régularités économiques tels que la croissance économique et l'inflation sont des phénomènes dits émergents car ils émergent des interactions d'agents économiques hétérogènes aux attentes hétérogènes (Kirman 2006, 2016). Une définition plus large d’un phénomène émergent est qu’il s’agit d’une régularité différente, résultant des interactions d’un certain nombre d’éléments ou d’agents entre lesquels il existe des relations simples, directes. La caractéristique d’un tel phénomène est qu’il ne peut se réduire aux propriétés particulières de chacun des éléments du système pris individuellement : le tout ne peut se réduire à la somme des parties (Hayek 1964).
Les économistes de la complexité comme Arthur (2013) soutiennent que le déséquilibre ou non-équilibre est l'état naturel de l'économie. L'économie est toujours dans un état instable, évoluant et changeant constamment. Selon Arthur (2013), il y a deux raisons principales à cela. L'une est l'incertitude radicale, l'autre est l'innovation technologique.
Knight (1921) et Keynes (1921, 1936 et 1937) ont introduit le concept d'incertitude radicale en économie. En effet, ils estiment qu'une distinction devrait être faite entre risque et incertitude. Pour parler de risque, il faut qu’on puisse lister l’ensemble des conséquences futures potentielles d'une action ou d'une décision. En économie de l’incertitude, on parle d’états du monde. On doit être capable d’associer une probabilité de réaliser à ces scénarios, ces états du monde, alors le risque est calculable. En revanche, il existe de nombreuses situations qui n’ont pas de précédent, et pour lesquelles il est quasiment impossible d’établir un ensemble probabilisé des états du monde possible qui puisse être considéré comme crédible par l’ensemble des agents.
Face à une telle situation d'incertitude, les agents économiques tentent d’éclairer leurs décisions par le tâtonnement et la réalisation d’hypothèses sur le futur basées sur leurs connaissances et leur expérience (Arthur 2013). En conséquence, ils mettent continuellement à jour leur modèle interne de prise de décision, ce qui signifie qu'ils adaptent, rejettent et remplacent constamment leurs hypothèses et leurs stratégies en fonction de leur expérience. Ces dynamiques sont dites « évolutionnaire » (Lindgren 1997). En utilisant la théorie des jeux évolutionnaires, Lindgren (1997) démontre qu’en présence de bruit, c’est-à-dire de situations imprévisibles, les modèles évolutifs n’aboutissent pas à un équilibre de Nash stable. L’extrapolation de ces résultats à l’ensemble de l’économie impliquerait un comportement imprévisible de l’économie à mesure que les agents explorent, apprennent et s’adaptent.
L’innovation technologique est l’autre facteur important de l’évolution permanente du système économique. La nature de l'innovation est telle que le développement technologique s’auto-entretient, c’est un processus cumulatif (plus de développement technologique permet plus de développement technologique) (Arthur 2013). Il s'ensuit qu'une nouvelle technologie ne constitue pas une simple perturbation de l'équilibre, elle a des effets dynamiques. En effet, l’innovation génère et demande en permanence des technologies supplémentaires, qui génèrent et demandent d’autres technologies à leur tour (Arthur, 2009). C’est un cas de boucle à rétroactions positives. Ainsi, l’innovation technologique contribue également à l’instabilité du système complexe, mais dans des proportions moindres que l’incertitude radicale.
Cela étant dit, « l’instabilité du système est souvent stable » dans une certaine mesure et peut donc être approchée par un état d'équilibre ou stationnaire. En fait, les systèmes complexes sont souvent caractérisés par des équilibres multiples, notamment en présence de boucles de rétroactions positives ou de rendements croissants (Bosker et al. 2007). L’état d’équilibre effectivement atteint dépend de la chaîne de causes à effet qui mène à celui-ci. En d'autres termes, on dit que l’équilibre dépend du passé ou du chemin, on parle de dépendance au sentier. Qui plus est, de minuscules changements dans les conditions initiales peuvent amener en bout de course le système à se retrouver dans un état stable radicalement différent (Li et Yorke, 1975). Si tel est le cas, le système peut être classé comme chaotique.
Une fois qu'un système se retrouve dans un état stable, il peut ne pas pouvoir migrer directement à un autre état stable. Il est peut-être si résistant aux changements qu'il lui faut des chocs considérables pour passer à un autre régime. Cet état est connu sous le nom d’état « verrouillé » (Arthur 1989). À l’opposé, si la résilience d'un système diminue, il peut atteindre un point de bascule et changer soudainement de comportement ou passer à un autre régime (Battiston et al. 2016). Les marchés financiers et les économies ont toujours connu des effondrements soudains et en grande partie imprévus, à une échelle systémique. Ces transitions de phase peuvent dans certains cas avoir été déclenchées par des événements stochastiques imprévisibles. Mais plus généralement, il y a en réalité eu des processus endogènes sous-jacents (Battiston et al. 2016).
En résumé, les économistes de la complexité considèrent que l’économie est un système complexe, c’est-à-dire dans lequel les phénomènes économiques agrégés émergent des interactions entre des agents hétérogènes. Bien que les systèmes économiques puissent être dans des états relativement stables pouvant être approchés par un équilibre, la présence d'incertitude et d'innovation technologique garantit que tous les systèmes économiques soient en constante évolution. Pour comprendre cette évolution, il est nécessaire de saisir comment les agents fondent leurs décisions. De plus, les états relativement stables qui émergent ne sont souvent pas uniques, ils sont dépendants du passé et, parfois même, chaotiques. En plus de cela, les systèmes économiques traversent régulièrement des phases de transitions pour se retrouver dans un état différent.
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La manière dont la complexité est perçue par les économistes est hautement compatible avec le concept de systémisme (Bunge, 1996) selon lequel une société est un système composé de sous-systèmes changeants et ayant des propriétés globales, pour certaines réductibles et pour d’autres non-réductibles.
Les systèmes économiques complexes chevauchent d'autres systèmes complexes, mais pas toujours de manière hiérarchique. Plutôt, ces systèmes qui se chevauchent peuvent être décrits comme une panarchie (Holling, 2001), terme qui fait référence à une structure dans laquelle les systèmes sont interconnectés les uns aux autres dans des cycles d’adaptation, de croissance, d’accumulation, de restructuration et de renouvellement continus. Ainsi, les systèmes complexes ont des systèmes complexes au-dessus et au-dessous d'eux. En même temps, ils font partie de plusieurs systèmes complexes qui se chevauchent.
Dans un système complexe, Dopfer et al (2004) identifient trois niveaux distincts qui déterminent sa dynamique : les niveaux micro (individus), méso (règles) et macro (système). A chaque niveau, différents types de décisions et d’interactions ont lieu. Par exemple, quand on discute d'économie géographique, Commendatore et al. (2018) identifient les interactions entre les partenaires commerciaux internationaux ou régionaux au niveau macro ; les marchés en tant que structures de réseaux sociaux au niveau méso ; et les choix stratégiques d'entreprises individuelles et de ménages au niveau micro-économique.
Au niveau micro, les acteurs sont considérés comme rationnellement limités (Simon 1972). Cela signifie que la capacité de décision est contrainte par les limites cognitives de l’acteur ainsi l’information et le temps disponibles pour résoudre un problème donné (Simon 1991). Selon Arthur (2010), les individus n'optimisent généralement pas leurs décisions (par exemple, en maximisant leur utilité), les personnes s'engagent plutôt dans des processus cognitifs tels que la comparaison sociale, l'imitation et les comportements répétitifs (habitudes) afin d'utiliser efficacement leurs ressources cognitives limitées (Jager et al. 2000).
Aux trois niveaux, le temps joue un rôle important en raison de la dépendance vis-à-vis du passé. Tous les états des systèmes économiques s'appuient sur leurs états passés. Vu sous cet angle, l’économie devient un système qui évolue incrémentalement au fil d’une série d’événements ; elle devient algorithmique (Arthur 2013). Compte tenu de l’état d’instabilité dans lequel évolue un système complexe, comprendre ce changement continu peut être considéré comme le problème économique central de l’économie de la complexité.
Parmi les économistes de la complexité, il n'y a pas de consensus sur la manière dont on peut espérer comprendre notre système économique complexe. On peut identifier deux groupes : un groupe modeste et un groupe optimiste. Le groupe modeste estime que leurs modèles - des simplifications de la réalité - peuvent révéler les mécanismes de causalité à l'origine des motifs économiques généralement observés, mais que la réalité est trop complexe pour que ces modèles permettent de faire des prévisions très utiles sur l'économie. Le groupe optimiste estime qu’en plus de cela, leurs modèles peuvent être utilisés pour faire de telles prévisions, bien que celles-ci ne soient probablement pas très précises. Ci-dessous, nous allons d'abord aborder l'épistémologie du groupe modeste, puis celle du groupe optimiste.
Le groupe modeste soutient que, en raison de la complexité incroyable de l’économie, il est impossible d’élaborer des lois économiques universellement valables. À la place, les économistes de la complexité de cette tradition devraient rechercher des explications fondées sur des mécanismes (Gräbner 2017a) et leurs modèles devraient être jugés par leur capacité à découvrir les mécanismes qui produisent des régularités économiques communes.
L’influence de la vision modeste est évidente dans la vision des sciences sociales génératives d’Epstein (2006). Dans cette vision, l’économiste de la complexité a pour rôle de générer informatiquement des processus d’intérêt. La démarche est de recréer les conditions de génération d’un phénomène en suivant la maxime "Si vous cultivez [un phénomène], vous le montrez." [citation traduite depuis l’Anglais].
De la même manière, les économistes de la complexité influencés par la tradition autrichienne, expriment un profond scepticisme quant à ce que nous pouvons comprendre – sans parler de ce que nous pouvons prévoir - et plaident plutôt pour la modestie (Hoogduin 2016). Hayek (1964) en donne trois raisons distinctes. Premièrement, le nombre de variables différentes nécessaires pour expliquer un phénomène économique complexe est souvent si important qu'il est pratiquement (et peut-être même théoriquement) impossible de le faire. Deuxièmement, le chevauchement et le couplage étroit de systèmes complexes peuvent entraîner des interactions inattendues non anticipées par les modèles. Enfin, de nombreux systèmes complexes ont une grande sensibilité aux conditions initiales, or qu’il est très peu probable que les modèles soient calibrés avec les bonnes conditions initiales.
Ainsi, l’économie (et les autres sciences sociales) diffère des sciences « dures » qui traitent de phénomènes simples (c’est-à-dire qui ne relèvent pas d’un système complexe). Le prix à payer pour avancer dans le domaine des phénomènes complexes est de renoncer de plus en plus à au critère de falsifiabilité selon Karl Popper, et donc à la capacité de faire des prévisions pertinentes. Cela étant dit, certains économistes de la complexité de la tradition autrichienne (Gaus 2007) affirment que cela ne signifie pas que l’économie soit si complexe qu’on ne puisse en faire aucune prédiction.
Cela nous amène au groupe des optimistes, qui affirment que leurs modèles économiques doivent être jugés en fonction de leur capacité de prévision. Ce point de vue sur le pouvoir des modèles économiques est plus conforme à celui d'économistes bien connus, mais toujours pragmatiques, comme Rodrik (2015). Arthur (2005) suggère que, si nous utilisons les bons outils - ceux fournis par l'économie de la complexité - nous pourrons examiner le comportement de l'économie hors-équilibre. Cela découle naturellement du raisonnement selon lequel l'économie de la complexité est une théorie économique applicable hors de l’équilibre, c’est-à-dire à un niveau plus général que les simples états ou l’économie est stabilisée (Arthur 1999). Farmer et Foley (2009) affirment qu'avec les modèles actuels d'économie de la complexité, il serait possible de mener une investigation quantitative des conséquences de politiques macroéconomiques. Ainsi pour eux, les mauvaises capacités actuelles de prévision économique résultent de l’utilisation du mauvais outil.
La plupart des économistes de la complexité dans la tradition optimiste sont plus modestes, cependant. Ils font valoir que leurs modèles ne peuvent produire de manière fiable que des prévisions conditionnelles (Haldane & Turrell 2018), c'est-à-dire « ce qui va probablement arriver à Y si X change », ce qui est à distinguer de la prévision inconditionnelle. Cette dernière indique la valeur de Y, en fonction des prévisions de toutes les variables X susceptibles d'influencer Y (Simon Wren-Lewis, 2014).
Les deux vues abordées dans cette section ne sont pas exclusives. Les économistes de la complexité se classent sur un spectre allant des modestes aux optimistes. Finalement, en traitant le monde comme un système complexe, les économistes de la complexité sont plus modestes que leurs homologues ordinaires.
Comme mentionné précédemment, les économistes de la complexité s’attardent sur des faits émergents, puis cherchent à les expliquer grâce à des modèles complexes. Cette interaction entre les observations et la théorie n’avance pas de façon linéaire, car le développement des modèles peut mener à la découverte de nouvelles régularités qui pourraient à leur tour s’intégrer dans de nouveaux modèles.
Pour communiquer leurs théories et leurs observations dans des revues scientifiques, les méthodes utilisées par les économistes de la complexité sont très diverses mais généralement plutôt formalisées. La popularité de cette approche formalisée s'explique par le fait que, lorsqu'ils sont bien faits, les modèles mathématiques sont sans ambiguïté et révèlent les incohérences internes et les prédictions implicites d'une théorie.
Pour étayer formellement les régularités explicitées, les économistes de la complexité utilisent une grande variété de méthodes empiriques. La recherche empirique est un élément important, bien que quelque peu décousu, du programme de recherche sur la complexité (Durlauf, 2005). Un grand corpus de littérature a été développé sur la documentation de ces régularités, également appelés faits stylisés. Ces faits stylisés ont été rassemblés en utilisant une grande variété de méthodes. Celles-ci incluent des méthodes économiques générales telles que la cartographie des moments statistiques (Cont 2001), l’économétrie moderne standard (Angrist & Pischke 2017), l’apprentissage automatique (ou machine learning) (Mullainathan & Spiess 2017), les preuves expérimentales (Hommes et al. 2005) et les approches big data (Varian 2014), ainsi que des méthodes inspirées par l'économie de la complexité, telles que faire ressortir des lois exponentielles (Gabaix 2009) ou des structures de réseau (Jackson 2008, 2014).
Pour formaliser les théories expliquant ces faits stylisés, les économistes de la complexité utilisent à nouveau une grande variété de techniques de modélisation mathématique. Parmi les plus populaires se trouvent la modélisation de réseau (Caldarelli et al. 2004), l’algèbre non-linéaire (Bischi et al. 2017) et la modélisation basées-agents (Gallegati et al. 2017). Ces types de modèles sont répandus car ils sont capables de saisir un comportement hors équilibre.
Le choix de la méthode de modélisation appropriée dépend des faits stylisés que les chercheurs souhaitent expliquer. En général, la méthode qui décrit le mieux les motifs étudiés sera préférée. Si plusieurs modèles ont le même pouvoir explicatif, le plus simple (Sun et al. 2016) ou le plus exhaustif (Gräbner 2017a) sera préféré.
Par exemple, pour expliquer les principaux faits stylisés observés sur les marchés financiers, tels que la stationnarité des rendements, leur kurtosis excessif et leur volatilité persistante (Cont 2011), Franke et Westerhoff (2012) présentent un modèle dynamique simple avec des investisseurs en situation de rationalité limitée qui oscillent entre le suivi des tendances et l’évaluation des fondamentaux, selon la stratégie la plus rentable à ce moment-là. Sa dynamique hors-équilibre permet à ce modèle d’être supérieur aux modèles habituels de fixation des prix, ces derniers ne rendant pas correctement compte de ces faits avérés (Adam et al. 2016). Cela étant dit, Chiarella et al. (2009) montrent que si l'on veut illustrer ces faits stylisés par des faits stylisés au niveau micro, alors une méthode utilisant seulement la modélisation basée-agent est préférable.
Les économistes de la complexité cherchent à mieux comprendre les schémas qui caractérisent notre système économique. Parfois, cela se poursuit par un désir de l'améliorer en intervenant dans celui-ci. Ceci est un thème de la gauche et peut être lié au groupe optimiste mentionné dans la section épistémologie. Sinon, cela peut aussi se traduire par une prise de conscience du fait que l'économie est un système trop complexe pour que toute intervention et planification puisse fonctionner. Ceci est la thèse essentielle du libéralisme, et peut être lié au groupe modeste mentionné précédemment. Les implications idéologiques de ces travaux ne sont donc pas univoques. Cela étant dit, les économistes de la complexité sont aujourd'hui très hétérogènes et ne peuvent être facilement associés à aucune idéologie donnée, pas même à celles que nous avions rattachées aux groupes des optimistes ou des modestes.
En tant qu’école de pensée récente, l’économie de la complexité tente principalement de convaincre les économistes d’étendre leur analyse au-delà des modèles dominants à anticipations rationnelles, agents représentatifs et d’équilibre général. Cela étant dit, il existe des débats intéressants parmi les économistes de la complexité. Ceux-ci incluent : (1) les différences par rapport à l'économie traditionnelle, (2) le rôle et les limites des modèles mathématiques, (3) la quantité appropriée de complexité du modèle, (4) l'utilisation de protocoles de description des modèles, et (5) sur la manière de valider empiriquement les modèles. La section suivante mettra brièvement en évidence ces débats.
Premièrement, les économistes de la complexité ne sont pas d’accord sur le rapport entre l’économie de la complexité et l’économie traditionnelle. Certains affirment en substance que l’économie de la complexité est un domaine complètement nouveau, presque à l’opposé de l’économie traditionnelle - comme par exemple les auteurs Arthur (2005), Farmer et Foley (2009). D’autres chercheurs voient l’économie de la complexité comme un ajout à l’économie conventionnelle, ajout sur les conditions d’émergence des régularités économiques (Durlauf, 2005).
Un deuxième débat concerne l’importance de la formalisation mathématique des théories en économie de la complexité. C'est en grande partie un débat entre la méthode Hayek et les disciples du Santa Fe Institute. Bien que la tradition de Santa Fe soit hautement mathématique, Hayek (1964) doute de l’utilité des mathématiques pour décrire les phénomènes socio-économiques. Durlauf (2012) discute de ce débat en détail.
Parmi les économistes de la complexité qui utilisent des modèles mathématiques, il existe un autre débat sur la complexité de ces modèles. En général, les personnes qui font les modèles oscillent entre deux règles (Sun et al. 2016): « que cela reste simple ! » (Keep It Simple Stupid - KISS, Axelrod 1997) et « que cela soit descriptif ! » (Keep It Descriptive Stupid - KIDS, Edmonds & Moss 2004). Selon la première règle, un modèle devrait être aussi simple que possible. La deuxième règle soutient que le modèle devrait être suffisamment détaillé pour pouvoir modéliser la richesse des systèmes cibles. Cela étant dit, si les modèles de complexité peuvent modéliser des agents cognitifs très complexes (Sun 2006), les économistes de la complexité reconnaissent généralement que les êtres humains réels sont bien plus compliqués que ne le permettent leurs modèles.
Un autre débat a été inspiré par la difficulté qui existe pour décrire, et reproduire, les modèles informatiques qui simulent les interactions entre agents économiques (modèles basés-agents, ou agent-based models ABM) Confrontés à l'absence de protocole pour décrire ce type de modélisations, Grimm et al. (2010) ont développé le protocole « Vue globale, design et détails » (Overview, Design and Details, ODD). Bien que de nombreux modélisateurs l'aient adopté, en particulier en écologie, la description de ces modèles manque toujours d'uniformité et de nombreux nouveaux cadres et idées font toujours leur apparition, voir Gräbner (2017b) pour un aperçu.
Enfin, en tant qu'outil relativement nouveau, il n'y a toujours pas de consensus sur la manière dont ces simulations à partir d’agents doivent être validées (Fagiolo et al. 2007). Il est généralement admis qu’en guise de validation, les ABM devraient au moins pouvoir reproduire certains faits stylisés essentiels. De préférence, ils devraient même pouvoir reproduire plusieurs régularités connues en même temps (Grimm et al. 2005). Cependant, Guerini et Moneta (2017) notent que des modèles qui incorporent des structures causales différentes peuvent malgré tout produire les mêmes faits stylisés. Ils proposent donc une méthode qui consiste à ne décrire que les structures causales à l’origine des variables agrégées du modèle ABM, et à vérifier si elles diffèrent de manière significative des structures causales que l'on peut trouver dans le monde réel. Une autre approche pour choisir le bon modèle dans ce cas-ci consiste à choisir celui qui est également compatible avec les faits stylisés du niveau micro, en plus de ceux du niveau agrégé. En d’autres termes, l’idée est de choisir non pas le modèle le plus simple, mais celui qui permet d’expliquer à la fois le phénomène observé mais aussi des mécanismes sous-jacents (Gräbner 2017a).
L’économie de la complexité porte une grande attention sur la méthodologie, elle part de cela. Cela la rend compatible avec la plupart des autres écoles de pensée économique non dominantes, en particulier les écoles autrichienne, comportementale, écologique, évolutionniste, institutionnelle et postkeynésienne. Les économistes de la complexité peuvent même utiliser des règles cognitives issues de l’économie comportementale, néo-classique et postkeynésienne dans un cadre de travail évolutionniste. L'économie de la complexité s'inspirant du mouvement des sciences de la complexité au sens large, elle s'inspire également d'autres disciplines telles que la biologie, l'écologie, la physique et les mathématiques.
Du point de vue de l'économie de la complexité, les écoles de pensée comportementale, écologique, évolutionniste et institutionnelle se concentrent chacune sur des aspects spécifiques des systèmes adaptatifs complexes. Les économistes comportementaux se concentrent sur le processus de prise de décision des agents. Les économistes institutionnels se concentrent sur les institutions qui facilitent et façonnent leurs décisions, ce qui est parfaitement compatible avec l'économie de la complexité (Gräbner 2017a). Les économistes évolutionnistes étudient les mécanismes de sélection qui engendrent à la fois un comportement et des institutions. Enfin, les économistes écologiques étudient la durabilité du système complexe et sa relation avec d'autres systèmes complexes non économiques.
Les écoles de pensée autrichiennes et postkeynésiennes diffèrent de ces dernières par leurs hypothèses plus larges sur le système économique dans son ensemble. Elles sont cependant souvent compatibles avec l’économie de la complexité.
Dès leurs débuts, les économistes de l’école autrichienne considéraient l’économie comme un système adaptatif complexe. Selon Veetil et White (2017) : « Les macroéconomistes autrichiens de l'entre-deux-guerres considéraient l'économie comme un système complexe et adaptatif, dans lequel des variables macroéconomiques émergent de l'interaction entre des millions d'agents agissant selon leur intérêt propre. » Bowles, Kirman et Sethi (2017)., p.215) expliquent : «Friedrich Hayek est connu pour sa vision de l’économie de marché en tant que système de traitement de l’information caractérisé par un ordre spontané : une certaine cohérence émergeant grâce aux actions indépendantes d’un grand nombre de personnes, chacune possédant des connaissances limitées et locales. » Enfin, le nouveau paradigme autrichien (également appelé néo-mengérien) souligne l'importance du non-équilibre et du processus d'émergence pour expliquer le monde social (Salter 2017).
De même, les postkeynésiens mettent l’accent sur l'incertitude radicale, l'importance des institutions, l'heuristique de décision et les écarts à l’équilibre qui forment l’instabilité (Aboobaker, Köhler, Prante et Tarne 2016). La fameuse technique de modélisation postkeynésienne, la modélisation stock-flux cohérente (Godley et Lavoie, 2006) peut être considérée comme une mathématique des systèmes dynamiques appliquée à la macroéconomie monétaire. Cette technique est de plus en plus associée à la modélisation par agents (ABM) ; voir par exemple Seppecher (2012), Riccetti et al. (2015) et Caiani et al. (2016), Schasfoort et al. (2017).
En France, ce paradigme peut partager certaines similitudes avec l’économie des conventions.
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L'économie de la complexité a été en autres développée pour nuancer le paradigme néo-classique dominant de l'économie. Elle se distingue principalement des écoles de pensée traditionnelles par son ontologie et sa méthodologie.
Pour penser l’économie, et définir une ontologie, les économistes traditionnels en sont venus à s'appuyer fortement sur le concept d'équilibre. La principale différence entre l'économie de la complexité et le courant dominant réside dans cet accent mis sur les équilibres, c’est-à-dire des modèles stationnaires qui ne nécessitent aucun ajustement des comportements à l’état final. L'économie de la complexité montre que l'économie n'est pas déterministe, prévisible et mécaniste, mais qu’elle est dépendante du passé, organique et en constante évolution (Arthur 1999). Néanmoins, l'économie de l’équilibre n'est pas totalement ignorée (Farmer & Geanakoplos 2009). Du point de vue de l'économie de la complexité, l'économie de l'équilibre est un cas particulier d'économie de non-équilibre et donc de complexité (Arthur 2006). Ou, comme le dit Durlauf (2005, p. 225) : «Les systèmes complexes représentent une extension par opposition à une alternative à la théorie économique standard (par quoi je veux dire néoclassique)».
De plus, les économistes de la complexité ont vivement critiqué l’hypothèse néoclassique des anticipations rationnelles (Muth, 1961) selon laquelle les agents économiques modélisent correctement l’économie et en tirent des prévisions valables en moyenne. Les économistes de la complexité estiment que cela est tellement irréaliste que cela invalide potentiellement les résultats du modèle traditionnel. Dans certains cas, les attentes sont auto-référentielles : les résultats économiques dépendent des attentes présentes des agents. Par exemple, si les agents veulent déterminer s’ils vont ou non dans un bar. Leur décision d’y aller dépend de leur prévision quant à l’affluence au bar. S'ils s'attendent à ce qu'il y ait trop de monde, ils resteront chez eux et vice versa. Les agents apprendront si le bar était bondé ou non le lendemain, même s'ils sont restés à la maison. Dans ce cas, aucun équilibre d’affluence ne se dégagera jamais. Au lieu de cela, ce niveau fluctuera en raison de la relation inverse entre les prévisions et l’affluence. Non seulement l'hypothèse de l'équilibre ne serait pas vérifiée dans ce cas, et elle ne permettrait pas non plus de prédire la fluctuation de la fréquentation du bar. C’est le célèbre modèle de bar d’El-Farol d’Arthur (1994).
Compte tenu de cette différence ontologique de focalisation sur l'équilibre, il n'est pas surprenant que les économistes de la complexité tendent à utiliser des méthodes de modélisation sans équilibre. En outre, l’approche méthodologique des économistes de la complexité est plus inductive. Leurs modèles formels sont presque toujours conçus pour expliquer un ensemble de phénomènes observés ou de faits stylisés, qui peuvent ensuite être utilisés pour inspirer de nouveaux travaux empiriques. Même si les choses changent, cette méthode n'est pas toujours d’actualité dans l'économie traditionnelle (Rodrik 2015).
Journaux
Les économistes de la complexité publient à la fois dans les revues « orthodoxes » et « hétérodoxes » (Heise 2016). La plupart de leurs publications sont dans des revues spécialisées anglophones telles que :
De temps en temps, certains économistes de la complexité trouvent leur chemin dans des revues populaires telles que : The American Economic Review (Arthur 1994, Colander et al. 2008), Econometrica (Hommes 1997), Economic Journal (Arthur 1989, Durlauf 2005) et le Journal of Economic Perspectives (Kirman 1992, Bowles et al. 2017). Enfin, certains économistes de la complexité ont publié des articles dans de grandes revues générales telles que Science (Battiston et al. 2016) et Nature (Farmer et Foley 2009). En France, on peut occasionnellement retrouver de telles travaux dans des revues spécialisées sur les questions de modélisation (Revue de l’OFCE) ou proches de courants plutôt hétérodoxes (Revue de la régulation, Revue d’économie politique).
Groupes de réflexion
Il existe plusieurs groupes de réflexion et départements universitaires spécialisés en économie de la complexité. Le plus célèbre d'entre eux est l'Institut Santa Fe. Les départements universitaires qui participent activement à l’économie de la complexité comprennent :
Adam, K., Marcet, A. and Nicolini, J.P., 2016. Stock market volatility and learning. The Journal of Finance, 71(1), pp.33-82.
Angrist, J. D., & Pischke, J. S. (2017). Undergraduate econometrics instruction: through our classes, darkly. Journal of Economic Perspectives, 31(2), 125-44.
Arthur, W. B. (1989). Competing technologies, increasing returns, and lock-in by historical events. The economic journal, 99(394), 116-131.
Arthur, W. B. (1994). Inductive reasoning and bounded rationality. The American economic review, 84(2), 406-411.
Arthur, W. B. (1999). Complexity and the economy. Science, 284(5411), 107-109.
Arthur, W. B. (2006). Out-of-equilibrium economics and agent-based modeling. Handbook of computational economics, 2, 1551-1564.
Arthur, W. (2010). COMPLEXITY, THE SANTA FE APPROACH, AND NON-EQUILIBRIUM ECONOMICS. History of Economic Ideas, 18(2), 149-166. Retrieved from http://www.jstor.org/stable/23723515
Arthur, W. B. (2013) Complexity Economics: A Different Framework for Economic Thought.
Armstrong, Angus (2017) Why Rebuild Macroeconomics?, https://www.rebuildingmacroeconomics.ac.uk/why-rebuild-macroeconomics/
Axelrod, R. M. (1997). The complexity of cooperation: Agent-based models of competition and collaboration. Princeton University Press.
Battiston, S., Farmer, J. D., Flache, A., Garlaschelli, D., Haldane, A. G., Heesterbeek, H., ... & Scheffer, M. (2016). Complexity theory and financial regulation. Science, 351(6275), 818-819.
Bischi, G.I., Dawid, H., Dieci, R. et al. J Evol Econ (2017) 27: 825. https://doi.org/10.1007/s00191-017-0533-5
Bosker, M., Brakman, S., Garretsen, H., & Schramm, M. (2007). Looking for multiple equilibria when geography matters: German city growth and the WWII shock. Journal of Urban Economics, 61(1), 152-169.
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Titre | Intervenant | Institution | Date de début | Niveau |
---|---|---|---|---|
Thinking Complexity | Cameron Guthrie | Toulouse Business School | rythme libre | débutant |
Complexity Economics | Think Academy | - | rythme libre | avancé |
Emergence Theory | Think Academy | - | rythme libre | débutant |
Introduction to Complexity | Melanie Mitchell | Santa Fe Institute | toujours | débutant |
Eine Einführung in Agentenbasierte Modellierung mit Python | Dr. Claudius Gräbner | n.a. | toujours | avancé |
Makroökonomische Modelle - Ein multiparadigmatischer Überblick | Claudius Gräbner | University of Duisburg-Essen | toujours | avancé |
Introduction to Complexity | Melanie Mitchel, Santiago Guisasola | Santa Fe Institute | toujours | avancé |
Game Theory I - Static Games | Justin Grana | Santa Fe Institute | toujours | avancé |
Complexity Explorer
https://www.complexityexplorer.org/
Santa Fe Institute
https://www.santafe.edu/about