Dans cette contribution, nous examinons la relation sociale à l’énergie au sein du régime d’accumulation fordiste et du capitalisme financiarisé et mondialisé qui s’est mis en place depuis les années 1970. L’objectif est d’identifier des ruptures dans les modalités d’usage de l’énergie qui accompagnent les transformations observées dans d’autres domaines. Pour cela, nous procédons à une analyse empirique et comparatiste de l’utilisation de l’énergie dans les principales économies à haut revenu (Allemagne, États-Unis, France, Japon et Royaume-Uni) entre 1950 et 2010. Le fordisme se caractérise par une utilisation extensive de l’énergie et une utilisation intensive du travail. Les forts gains de productivité de ce dernier sont alimentés notamment par une augmentation rapide de la quantité d’énergie incorporée au processus de production. À partir de 1970, le ralentissement de la croissance de la quantité d’énergie coïncide avec le ralentissement de la productivité du travail et contribue à l’érosion du compromis social fordiste. L’émergence du néolibéralisme se traduit par une restauration de la part du capital dans le partage de la valeur ajoutée et s’accompagne, d’une part, d’une utilisation de plus en plus intensive de l’énergie, la productivité de celle-ci se mettant à augmenter fortement dans les principaux pays à haut revenu ; d’autre part, par la délocalisation de l’utilisation de l’énergie.